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Au Niger, la junte au pouvoir donne quatre mois aux Etats-Unis pour quitter le pays

Manifestation à Niamey pour demander le départ du contingent de soldats américains du Niger, le 13 avril 2024.

D’ici à quatre mois, plus aucun militaire américain ne stationnera au Niger. L’annonce a été faite, dimanche 19 mai, à Niamey, la capitale, après plusieurs jours de discussions entre la junte au pouvoir et une délégation du département d’Etat américain. Les quelque mille soldats déployés dans le cadre de la lutte antidjihadiste ont jusqu’au 15 septembre, au plus tard, pour quitter leur base d’Agadez, qui sert à des opérations de renseignement et d’antiterrorisme dans le Sahel et au Sahara.

L’accord, scellé « en toute transparence et un parfait respect mutuel entre les deux parties », selon le communiqué conjoint signé par le ministre de la défense nigérien, Salifou Modi, et le secrétaire adjoint à la défense américain chargé des opérations spéciales, Christopher Maier, clôt plusieurs semaines de tensions entre Washington et les autorités de transition nigériennes, aux affaires depuis le coup d’Etat de juillet 2023 contre le président élu, Mohammed Bazoum.

Le 16 mars, après une visite de trois jours de la secrétaire d’Etat adjointe aux affaires africaines, Molly Phee, Niamey avait brutalement dénoncé l’accord de coopération militaire avec les Etats-Unis en vigueur depuis 2012, à la suite de pressions jugées « inacceptables ». Dans une interview au Washington Post le 14 mai, le premier ministre nigérien, Ali Mahamane Lamine Zeine, avait affirmé que les représentants américains avaient menacé le régime de sanctions si le Niger acceptait de vendre une partie de l’uranium qu’il produit à l’Iran.

« Défaite diplomatique »

Le chef du gouvernement nigérien a assuré que « rien » n’avait été signé avec l’Iran concernant l’uranium. Mais selon plusieurs sources officielles occidentales et nigériennes interrogées par Le Monde, la junte s’est bien engagée dans des « négociations confidentielles » avec l’Iran « pour la livraison de 300 tonnes de yellow cake [concentré d’uranium] ».

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« Avec cet accord, les Etats-Unis gardent la face, mais c’est une défaite diplomatique. Ils ont voulu se distancier de la France en prônant la flexibilité face à la junte quand Paris se montrait intransigeant. Finalement, ils partent aussi, même s’il y a sans doute moins de rancœur que chez les Français », estime Michael Shurkin, directeur de programmes chez 14 North Strategies, un cabinet de conseil spécialisé dans les affaires africaines.

Alors que la France a dû, contrainte et forcée, rappeler son ambassadeur à Niamey et retirer ses troupes du Niger dès septembre, Washington espérait pouvoir s’y maintenir en repoussant de plusieurs semaines l’appel au rétablissement de l’ordre constitutionnel avant de geler son aide militaire.

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« Les Américains avaient un double intérêt à négocier leur départ. D’abord, protéger leurs militaires devenus vulnérables, car leur base est située dans une zone isolée. Ensuite, se prémunir, en cette année électorale, contre une attaque visant des soldats américains, qui aurait des répercussions désastreuses pour l’administration Biden », explique Franklin Nossiter, chercheur au sein de l’International Crisis Group, installé à Dakar.

La lutte antiterroriste peu affectée

Depuis son inauguration, en 2019, la base américaine d’Agadez – dont la construction a coûté plus de 100 millions de dollars (92 millions d’euros) – permet aux drones et aéronefs américains de mener des missions de surveillance et de renseignement dans une région où prolifèrent les groupes armés. Avec sa fermeture se pose la question des répercussions dans la lutte antiterroriste. Mais, pour Michael Shurkin, « ce retrait aura un impact minimal, car il s’agissait surtout de collecter du renseignement ensuite transmis aux Français. Contrairement à ces derniers, les soldats américains ne combattaient pas sur le terrain depuis l’embuscade de Tongo Tongo, qui a tué quatre militaires en 2017 ».

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Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger est le troisième pays du Sahel dirigé par des militaires à rompre ses partenariats militaires avec certains de ses alliés occidentaux. Comme ses deux voisins, avec qui il a formé l’Alliance des Etats du Sahel (AES), Niamey s’est aussi tourné vers la Russie. En avril et en mai, une centaine d’instructeurs russes se sont installés sur la base aérienne 101, située à côté de l’aéroport de Niamey. Chargés de la formation des soldats nigériens au maniement du système antiaérien, ils partagent le site avec leurs homologues américains.

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Interrogé à ce sujet lors d’une conférence de presse, jeudi, le ministre américain de la défense, Lloyd Austin, avait estimé que le déploiement russe ne posait pas de « problème significatif (…) en matière de protection [des] forces [américaines] ». Par ailleurs, Washington mise progressivement sur un redéploiement vers les pays côtiers du golfe de Guinée, qui subissent la pression djihadiste à leur frontière avec le Sahel.

« Le retrait des forces américaines n’entache en rien la poursuite des relations entre les Etats-Unis et le Niger dans le domaine du développement », font savoir les deux pays dans le communiqué de dimanche. Un nouvel accord de 500 millions de dollars sur trois ans pour de l’aide au développement devrait être signé, selon le ministère des affaires étrangères nigérien.

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