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Nouvelle-Calédonie : « Le niveau de vie des Kanak reste en moyenne inférieur à celui des autres communautés »

Des voitures brûlées chez un concessionnaire automobile dans le quartier de Belle-Vie, à Nouméa, le 14 mai 2024.

Pierre-Yves Le Meur, anthropologue et directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement, en poste en Nouvelle-Calédonie, revient sur les enjeux politiques et sociaux que représente l’industrie minière sur l’archipel.

L’économie de la Nouvelle-Calédonie se résume-t-elle à l’industrie minière ?

L’archipel demeure très dépendant du nickel. Cela fait cent cinquante ans qu’on l’extrait. Et, pour beaucoup de jeunes vivant dans des communes minières, l’horizon, c’est la mine. Ils savent qu’ils y travailleront, avec des salaires corrects, oubliant parfois de se poser la question d’un autre avenir. C’est un formatage qui les bride aussi. Le secteur minier et métallurgique, qui représente 20 % de l’emploi en Nouvelle-Calédonie, n’est pas seulement un acteur économique, c’est aussi un enjeu social et politique. Il a absorbé de façon croissante une main-d’œuvre kanak depuis plusieurs décennies.

La mine a progressivement fait émerger des trajectoires longues du salariat kanak depuis les années 1960, et la politique de rééquilibrage issue des accords politiques a aussi joué dans ce sens. Le modèle d’emploi s’est transformé. Les travailleurs kanak concernés sont aujourd’hui conducteurs d’engins, employés dans le BTP autour des mines, ils réhabilitent les sites après exploitation… Certains sont des cadres moyens ou supérieurs avec des formations universitaires de deux ans ou plus. Le secteur s’est également féminisé, les femmes forment, à certains endroits, 30 % du salariat.

Les mines ont donc fait émerger une bourgeoisie kanak…

Ces communautés sont entrées en même temps dans le monde civique – avec le droit de vote – et dans l’économie marchande avec la libéralisation politique des années 1950 ou 1960. On a aussi assisté à une montée du niveau moyen des diplômes, même si celle-ci a été très lente. Le premier bachelier kanak date de 1962, ce qui en dit long sur la chape de plomb coloniale. A cet égard, au sein même de l’archipel, on observe d’ailleurs un écart entre la Grande Terre et les îles Loyauté, qui ont subi une colonisation moins brutale et affichent des niveaux moyens de formation plus élevés. Les Kanak des îles Loyauté sont ainsi relativement surreprésentés parmi les cadres des entreprises minières.

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Le niveau de vie des Kanak reste, en moyenne, inférieur à celui des autres communautés. Les statistiques ethniques montrent des différences importantes en matière de pauvreté et sur le revenu médian, même s’il existe aussi une population blanche peu aisée. Ce revenu médian dans les communes essentiellement kanak de la côte est ne représente ainsi que 40 % de celui de Nouméa. Et les inégalités socio-économiques sont, dans l’ensemble, beaucoup plus élevées en Nouvelle-Calédonie qu’en métropole.

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