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Transformer plutôt que détruire, le nouveau défi des architectes

Ce n’est pas un livre d’architecture, bien qu’il ait reçu le Prix du livre de l’Académie d’architecture en novembre 2023. Le Soin des choses, de Jérôme Denis et David Pontille (La Découverte, 2022), est une immersion dans l’univers de la maintenance, cet art modeste de faire durer les choses à forte portée écologique et politique. L’essai sociologique vient étayer la réflexion d’architectes, eux-mêmes de plus en plus nombreux à vouloir offrir une nouvelle vie aux constructions existantes, au lieu de les démolir pour en bâtir de nouvelles.

« Le livre a beaucoup circulé dans les écoles d’architecture. Les étudiants y ont vu une façon d’adapter leur métier aux enjeux soulevés par la crise climatique, à l’épuisement des ressources et à la pénurie de logements, témoigne Jérôme Denis. Repenser le bâti présent pour répondre aux besoins contemporains leur apparaît comme une façon de créer plus vertueuse et pragmatique, aux antipodes de l’architecture spectacle, du geste artistique souvent immodeste et masculin. »

Tel était également le propos de l’exposition « Conserver, adapter, transmettre », organisée par le Pavillon de l’Arsenal il y a un an, où quarante-quatre chantiers parisiens de transformation de l’existant étaient présentés. Rappelons que, selon le dernier rapport sur l’état mondial des bâtiments et de la construction, publié en 2022, le BTP représente 40 % des émissions mondiales de carbone et qu’une démolition produit bien plus de CO₂ qu’une réhabilitation.

Ne pas détruire mais transformer, c’est le leitmotiv depuis vingt-cinq ans d’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, récompensés du prix Pritzker 2021 « pour leur démarche de sobriété et de générosité ». Lacaton & Vassal, à qui l’on doit la réinvention du Palais de Tokyo ou la création du FRAC Nord-Pas-de-Calais sur le site des anciens chantiers navals de Dunkerque. Engagés à sauver des immeubles d’habitation des années 1960-1970, qu’une politique de rénovation urbaine condamne à être rasés et remplacés, les deux architectes, avec leur confrère Frédéric Druot, se sont illustrés pour la première fois en 2011, en transformant la tour Bois-le-Prêtre, une barre HLM insalubre au bord du périphérique, dans le 17arrondissement de Paris, en logements spacieux et lumineux, dotés chacun d’un jardin d’hiver.

« A chaque fois que l’on peut ranimer un bâtiment, c’est une victoire », plaide aussi Patrick Rubin, cofondateur, avec son frère, Daniel, de l’agence Canal Architecture. Tandis que sa génération réfléchissait à bâtir la ville nouvelle, il est de ceux qui, dès les années 1980, ont investi les friches, les bâtiments désaffectés à la suite de la désindustrialisation amorcée par le premier choc pétrolier, en 1973-1974. « Les constructions industrielles sont d’une grande intelligence, salue l’architecte. Elles sont dotées d’une belle hauteur sous plafond, de grandes ouvertures, n’ont pas de murs porteurs intérieurs. Autant d’atouts qui démultiplient les possibilités de transformation. »

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