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« La Banque centrale européenne a déjà, de fait, un mandat environnemental »

Le président de la République, Emmanuel Macron, a appelé, le 25 avril, dans son discours de la Sorbonne sur l’Europe, à débattre des objectifs de la Banque centrale européenne (BCE) et à les changer pour prendre en compte « au moins un objectif de croissance, voire un objectif de décarbonation, en tout cas de climat pour nos économies ». Un tel appel nous semble louable, car il est fondamental aujourd’hui de repenser les politiques macroéconomiques à l’aune de l’impératif climatique.

Mais il procède aussi d’une illusion, fondée sur l’hypothèse que la politique d’une Banque centrale serait parfaitement déterminée par la loi. Les traités européens se sont avérés à maintes reprises très difficiles à réviser (nécessitant une ratification de tous les Etats membres), et, même si elle réussissait, cette révision ne garantirait en rien un changement de la politique de la BCE. Or, celle-ci a déjà, de fait, un mandat environnemental.

Les objectifs des banques centrales inscrits dans la loi sont toujours nécessairement très généraux, pour ne pas dire flous. Cette généralité, qui a toujours prévalu dans l’histoire, n’est pas un défaut de conception ; elle est due au fait que, pour protéger la valeur de la monnaie et la stabilité financière, les banques centrales doivent potentiellement réagir à des situations économiques très différentes. Les économistes et juristes parlent de « contrat incomplet » pour caractériser le fait que la banque centrale doit fournir elle-même l’interprétation de la loi, sans que la légitimité à trancher sur cette interprétation et la façon de décider soient toujours clairement établies. Dans deux jugements récents, la Cour de justice de l’Union européenne s’est ainsi abstenue de préciser les objectifs de la BCE, lui reconnaissant « des appréciations complexes, un large pouvoir d’appréciation ».

Les traités européens définissent un objectif primaire et des objectifs secondaires pour la BCE. Le premier est la stabilité des prix. Mais de quels prix parle-t-on, et comment définir la « stabilité » ? La BCE interprète aujourd’hui son objectif comme une « cible d’inflation de 2 % à moyen terme » pour les prix à la consommation, mais ses propres termes ont changé au cours du temps et changeront sans doute à nouveau. De manière encore plus floue, les traités européens imposent à la BCE un objectif secondaire : « apporter son soutien aux politiques économiques générales dans l’UE », ce qui inclut explicitement le progrès social, le plein-emploi et « la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement ». L’objectif environnemental est donc déjà présent, même s’il est conditionné à la stabilité des prix.

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