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Nouvelle-Calédonie : à Nouméa, un mort au cours d’une deuxième nuit d’émeutes

A Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 14 mai 2024.

Les émeutes survenues depuis lundi 13 mai en Nouvelle-Calédonie, ont provoqué la mort de deux personnes. La première s’est produite dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 mai, a annoncé le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, et est due à un tir « de quelqu’un qui a certainement voulu se défendre », sans donner d’autres détails ; les circonstances de la seconde mort, survenue mercredi et confirmée par le Haut-Commissariat de la République à l’Agence France-Presse, n’ont pas plus fait l’objet d’aucune précision. L’Elysée a annoncé qu’Emmanuel Macron convoque ce mercredi matin un conseil de défense et de sécurité nationale, consacré aux émeutes.

« Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettent à tirer sur des gens armés », a déclaré M. Le Franc, déplorant une situation qu’il a qualifiée d’« insurrectionnelle » dans l’archipel. « L’heure doit être à l’apaisement (…), l’appel au calme est impératif », a martelé le représentant de l’Etat. Le haut-commissaire a également fait état de plusieurs « échanges de tirs de chevrotine entre les émeutiers et les groupes de défense civile à Nouméa et Pata » et d’une « tentative d’intrusion à la brigade [de gendarmerie] de Saint-Michel ».

Le Haut-Commissariat de la République a annoncé, mercredi dans un nouveau bilan, un total de 140 interpellations dans la seule agglomération de Nouméa. Au vu des heurts survenus pendant la nuit, les établissements scolaires « resteront fermés jusqu’à nouvel ordre », a annoncé le vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie dans la matinée. L’aéroport de La Tontouta reste pour l’instant fermé aux vols commerciaux. Le territoire français du Pacifique Sud connaît depuis lundi ses plus graves violences depuis les années 1980.

Nouveaux actes de vandalisme

Dans l’agglomération de Nouméa, le couvre-feu décrété par le Haut-Commissaire de la République est entré en vigueur mardi à 18 heures locales (9 heures dans l’Hexagone). Mais à la tombée de la nuit, les actes de vandalisme ont repris. Plusieurs infrastructures publiques de la capitale ont brûlé, a constaté un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP). Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l’ordre, sillonnaient la ville.

Mercredi matin, les pénuries alimentaires, faute d’approvisionnement des commerces, étaient criantes, engendrant de très longues files d’attente devant les magasins. Certains à Nouméa étaient pris d’assaut, d’autres étaient quasiment vides, n’ayant plus de pain ni de riz à vendre, a constaté le correspondant de l’AFP. A Tuband, un quartier de Nouméa, des habitants patrouillaient armés de bâtons ou de battes de base-ball, encagoulés pour certains.

« Un mouvement collectif impliquant une cinquantaine de détenus », qui avait débuté dans la nuit de mardi à mercredi dans la prison du Camp-Est de Nouméa, a par ailleurs été « maîtrisé » par les forces de l’ordre, selon la Chancellerie. « Plus de 70 policiers et gendarmes ont été blessés », a dit le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Et « 80 chefs d’entreprise ont vu leur outil de production brûlé ou détruit », a-t-il précisé.

Les indépendantistes jouent l’apaisement

Dans un courrier adressé mercredi aux représentants calédoniens après le vote de l’Assemblée, Emmanuel Macron a condamné le « caractère indigne et inacceptable » des violences et appelé les parties au « calme ».

Sur place, les indépendantistes ont aussi dénoncé les violences, et appelé à l’« apaisement » tout en condamnant le vote des députés. Parlant dans un communiqué d’« exactions » qu’il « regrette et tient à dénoncer », le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a dit « souhaite[r] le retrait » du texte gouvernemental « afin de préserver les conditions d’obtention d’un accord politique global entres les responsables calédoniens et l’Etat français ». N’ayant cependant « pas pour objectif d’affamer et d’aggraver la situation sociale et économique des familles déjà difficile », le mouvement indépendantiste a appelé « à la levée des barrages pour permettre [le] libre accès de la population aux produits, services et besoins de premières nécessités ».

Le président de l’Union calédonienne (indépendantiste) Daniel Goa a, lui, demandé à la jeunesse de « rentrer chez elle » et condamné pillages et exactions. « Les troubles de ces vingt-quatre dernières heures révèlent la détermination de nos jeunes de ne plus se laisser faire par la France », a-t-il toutefois commenté.

Devant la presse, le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou, a « pris acte » de la réforme votée à Paris mais a déploré une « démarche qui impacte lourdement notre capacité à mener les affaires de la Nouvelle-Calédonie ».

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« Nous lançons un appel au calme », a poursuivi Louis Mapou. « Les mobilisations doivent se passer dans un cadre », a enchaîné le président du sénat coutumier, Victor Gogny. « Depuis deux jours on est sorti de ce cadre et le pays est en feu. Il faut revenir dans ce cadre et que tout se calme. »

Dans un courrier adressé au chef de l’Etat, la principale figure du camp non-indépendantiste, l’ex-secrétaire d’Etat Sonia Backès, a demandé de son côté au chef de l’Etat de déclarer l’état d’urgence, « notamment en engageant l’armée aux côtés des forces de police et de gendarmerie ». « Nous sommes en état de guerre civile », a-t-elle déploré.

Dans la crainte d’un enlisement, des éléments du GIGN, du RAID (son équivalent pour la police), quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés. Des renforts étaient en cours d’acheminement dans l’archipel, a annoncé Gérald Darmanin.

Le gouvernement sous le feu des critiques

Le premier ministre, Gabriel Attal, a appelé mardi, lors des questions au gouvernement, les responsables politiques de Nouvelle-Calédonie à « saisir [la] main tendue » du dialogue, en confirmant que le Congrès du Parlement ne serait pas réuni « immédiatement » après le vote sur le projet de loi constitutionnel décrié par les indépendantistes, laissant un intervalle pour des échanges. « L’important, c’est l’apaisement. L’important, c’est le dialogue. L’important, c’est la construction d’une solution commune, politique et globale », a-t-il ajouté.

Le gouvernement est vivement critiqué sur sa méthode en Nouvelle-Calédonie. « Des gouvernants sans compréhension de l’histoire des peuples de la Grande Terre et des îles Loyauté ont joué avec les allumettes en méprisant les Kanaks (…) La Calédonie Kanaky est en feu », s’est alarmé mardi sur X le leader de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon.

« Rien n’était imprévisible », a affirmé la cheffe des députés LFI, Mathilde Panot, lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée, pointant elle aussi « un fait colonial indéniable » et jugeant que « les mauvaises décisions s’accumulent depuis qu’Edouard Philippe ne gère plus le dossier ».

« La manière dont la France se comporte avec ses anciennes colonies est humiliante et dégradante donc oui, ça provoque des réactions un peu épidermiques », a estimé la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, sur Franceinfo.

L’ancien premier ministre Edouard Philippe avait sonné l’alerte début mai, de même que ses prédécesseurs Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault, s’inquiétant, dans des propos rapportés par Le Monde, de l’absence de reprise en main du sujet par Matignon, historiquement chargé du dossier calédonien. Mais, après le non à l’indépendance lors des référendums de 2018, 2020 et 2021, le dossier s’est retrouvé sur la table du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, ciblé par les critiques des indépendantistes malgré sept déplacements sur l’île ces derniers mois.

Pour apaiser la situation, plusieurs parlementaires plaident pour la création d’une nouvelle « mission de dialogue » dont Gabriel Attal serait le « garant ». Une demande déjà défendue de manière transpartisane durant les débats au Sénat, fin mars, où la gauche avait dénoncé le « coup de force » d’une réforme perçue comme « un couperet » localement.

Le Monde avec AFP

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