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« L’extrême droite n’est pas devenue moins radicale qu’à l’époque de Jean-Marie Le Pen, mais elle est plus difficile à combattre »

Gabriel Attal, lors du meeting de la majorité présidentielle organisé à la Maison de la Mutualité, mardi 7 mai, a soulevé l’étrange paradoxe qui marque cette campagne des élections européennes : ce que l’on appelle depuis les référendums de 1992 et de 2005 le camp du « oui » en est incontestablement le grand vainqueur idéologique. Ceux qui vouaient aux gémonies la monnaie unique, ceux qui comme Marine Le Pen voyaient dans l’euro « un boulet » responsable de « l’explosion des prix, du chômage, des délocalisations, de la dette » se sont totalement reniés. La monnaie unique n’est plus contestée, le Frexit n’est plus proclamé comme la condition sine qua non du retour à la souveraineté.

« Par rapport au discours délirant du Rassemblement national [RN], c’est une victoire par K.-O. ! », s’est réjoui le premier ministre. Et pourtant, non, car le candidat qui caracole en tête des intentions de vote n’appartient pas au camp du « oui ». Il en reste l’un des plus farouches adversaires. Du haut de ses 28 ans, Jordan Bardella manie le paradoxe comme une arme. Il est à la fois dedans et dehors. Il ne combat pas l’euro, mais cherche à torpiller la construction politique à laquelle est liée la monnaie unique. Foin de l’Union européenne (UE) ! A bas la citoyenneté européenne !

La vision qu’il défend est celle d’une « alliance européenne des nations libres et souveraines », une sorte d’Europe à la carte revue à la mode RN dans laquelle des projets communs subsisteraient (Erasmus), d’autres évolueraient (la libre circulation dans l’espace de Schengen serait réservée aux seuls ressortissants européens) et où la défense, la diplomatie, l’énergie, la maîtrise des frontières intérieures seraient l’apanage des nations.

Sur les moyens de dynamiter l’édifice actuel, la tête de liste du RN élude. Il refuse de dire clairement comment une France sous emprise RN s’y prendrait pour obtenir la renégociation des traités sans se mettre à dos le reste de l’UE et s’en trouver de fait exclue. Or cette ambiguïté, loin de lui nuire, semble, au contraire, entretenir une dynamique : changer l’Europe de l’intérieur est devenu plus porteur que la prendre d’assaut de l’extérieur.

Bénéfices politiques

C’est en juillet 2017 au lendemain de sa deuxième défaite présidentielle – et de sa première face à Emmanuel Macron – que Marine Le Pen a renoncé à faire de la sortie de l’euro son marqueur politique. Utile pour fédérer les oubliés de la mondialisation, le slogan avait fini par instituer ce que Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, appelle « un plafond monétaire » : l’électorat bourgeois et âgé, inquiet pour son épargne, résistait farouchement.

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