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La chute d’Atos, ou la difficulté de l’Etat à tenir une stratégie de souveraineté industrielle

« C’est le rôle de l’Etat de défendre les intérêts stratégiques d’Atos et d’éviter que des technologies qui sont sensibles, qui sont décisives en matière de supercalculateurs ou de défense, ne puissent dépendre d’intérêts étrangers. » Interrogé sur LCI, le 28 avril, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, vole au secours du groupe d’informatique. L’Agence des participations de l’Etat a soumis, à sa demande, une lettre d’intention pour acheter ses trois activités les plus importantes : les produits de cybersécurité (cryptologie, contrôle d’accès…) ; les ordinateurs de haute performance (supercalculateurs) qui servent notamment à la simulation nucléaire ; et les systèmes dits « critiques », utilisés par les armées ou les services de renseignement.

Plusieurs semaines de discussions sont encore nécessaires pour transformer cette intention en offre d’achat. Mais on voit mal comment l’opération pourrait échouer. Atos est lui-même favorable à cette vente : elle lui apporterait des liquidités bienvenues. Pour les finances publiques, la charge est supportable : Bercy valorise ces activités entre 700 millions et 900 millions d’euros, un coût qui devrait être partagé avec un ou plusieurs industriels français de la défense. Enfin, tout le personnel politique approuve l’exfiltration de ces activités sensibles.

Pourquoi le gouvernement a-t-il attendu la dernière minute avant une possible faillite pour intervenir ? Les difficultés financières et stratégiques d’Atos sont anciennes : à bout de souffle après les années de croissance au pas de charge imposée par son ancien PDG, Thierry Breton, actuel commissaire européen au marché intérieur, le groupe a lancé un plan de séparation de ses activités dès juin 2022.

Intérêt de Daniel Kretinsky

Impossible de ne pas voir dans ce projet un risque de démantèlement. Ni de passer à côté de l’intérêt de l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, connu depuis octobre 2022, huit mois avant que le milliardaire ne formule une offre de reprise. M. Kretinsky ne visait que des activités civiles d’Atos, moins sensibles pour l’Etat, mais leur transfert chez un nouvel actionnaire fragilisait l’équilibre financier de celles restant chez Atos, dont celles reprises aujourd’hui par l’Etat.

Lire aussi l’éditorial | Atos, une faillite collective

Malgré ces alertes, il a fallu attendre le 26 septembre 2023 pour que la première ministre d’alors, Elisabeth Borne, interrogée à l’Assemblée nationale par le député (Les Républicains, Eure-et-Loir) Olivier Marleix, fasse état, pour la première fois, de la vigilance du gouvernement dans ce dossier, afin « que [les] intérêts souverains soient protégés en toutes circonstances », tout en rappelant qu’Atos est une société privée, soumise aux décisions de son conseil d’administration. Dans son rapport remis le 30 avril, intitulé « L’avenir d’Atos : une question de souveraineté », la mission d’information sénatoriale a jugé « tardive et insuffisante » l’intervention de l’Etat.

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