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Juro Kara, figure majeure de la contre-culture japonaise des années 1960-1970, est mort

Juro Kara lors d’une conférence de presse à Osaka, dans l’ouest du Japon, en mars 2005.

Homme de théâtre et écrivain, Juro Kara est mort le 4 mai, à Tokyo, à l’âge de 84 ans. Le lendemain de sa mort, sa compagnie Karagumi (« la bande de Kara ») donnait la première d’une reprise de sa pièce La Sirène de boue. « J’ai joué pour lui », a déclaré sa fille, Minyon Otsuru, qui y tient le premier rôle.

Juro Kara (de son véritable nom Yoshihide Otsuru) fut l’un des pionniers du renouveau théâtral des années 1960, période d’ébullition sociale, politique et culturelle, la plus riche de l’après-guerre par sa créativité. La mobilisation sociale, qui avait commencé par la lutte contre le renouvellement du traité de sécurité entre les Etats-Unis et le Japon et le mouvement pacifiste d’opposition à la guerre au Vietnam puis les luttes étudiantes, se traduisit sur le plan culturel par une effervescence dans laquelle idées et évènements se nourrissaient mutuellement.

Un souffle libertaire, transgressif et irrévérencieux, anima la contre-culture (andagurando, ou angura, c’est-à-dire « underground ») qui se nourrissait d’influences étrangères (surréalisme, pop art) et de la tradition carnavalesque locale, jouant des registres du grotesque, du surnaturel, de l’érotisme et de la violence. Une jeune génération de dramaturges, d’artistes, d’écrivains, de cinéastes dénonçait avec une virulence provocatrice les nouvelles formes d’aliénation sociale en révélant les zones ombreuses, forcloses, voire « honteuses » du Japon, prenant la rue comme scène de ses happenings.

Des personnalités de la culture se réclament encore aujourd’hui de l’angura, comme le metteur en scène et acteur Hideki Noda. « La rencontre avec Kara a été l’événement le plus important de ma vie », estime pour sa part le chorégraphe et danseur du butô (danse des ténèbres) Akaji Maro, cofondateur avec Juro Kara en 1964 de la compagnie Théâtre situationniste (Jokyo Gekijo). Rejetant la fluidité des mouvements pour privilégier l’immobilité de corps dénudés au visage crispé par l’effroi, le butô cherchait à renouer avec les forces primitives de l’imaginaire local.

Après avoir étudié le théâtre à l’université Meiji, Juro Kara dansa dans des cabarets pour rassembler des fonds et monter en 1963 la pièce de Jean-Paul Sartre La Putain respectueuse. Puis, en 1967, il créa sa troupe : Tente rouge (Akatento) qui plantait ses tréteaux dans les banlieues et dans l’enceinte du sanctuaire Hanazono dans le quartier de Shinjuku, à Tokyo, haut lieu de la contestation de l’époque. Ses spectacles réunissaient des foules tandis que la rue s’embrasait avec les affrontements violents entre étudiants et police antiémeute.

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