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Amos Frappa, historien : « Edmond Locard a été visionnaire en matière de criminalistique, de police scientifique »

Amos Frappa, à Lyon, en avril 2023.

Qui a fondé la police scientifique ? Conan Doyle, avec son héros Sherlock Holmes, prétendent sérieusement certains. Alphonse Bertillon, le créateur de l’anthropométrie judiciaire, avancent d’autres. Pour l’historien Amos Frappa, chercheur rattaché au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), ce titre devrait revenir au médecin lyonnais Edmond Locard (1877-1966), à qui il consacre une biographie, parue en avril, Edmond Locard, le fondateur de la police scientifique (Afitt éditions, 412 pages, 29,90 euros).

En quoi Edmond Locard mérite-t-il d’être qualifié de fondateur de la police scientifique ?

Par son côté avant-gardiste : il a anticipé ce qu’est la police scientifique d’aujourd’hui. La plupart des réformes dans ce domaine depuis le grand virage de l’ADN des années 1980 sont des axes qu’il avait proposés, défendus, dans ses publications, ses interventions…

Ainsi de la police scientifique de proximité, une réforme des années 2000 qui consiste à envoyer de façon systématique, même pour un vol anodin, un technicien pour recueillir les empreintes digitales et les mettre dans le Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED). Ce principe, qui permet de faire des connexions entre différentes affaires et, parfois, de retrouver des « gros poissons », c’était un souhait de Locard : il appelait ses concitoyens à ne rien toucher sur une scène de crime, y compris pour un délit insignifiant, afin que les techniciens puissent récupérer des traces s’y trouvant.

Avant-gardiste, donc, mais théoricien également. C’est la vraie différence avec les grandes figures de l’époque, le médecin légiste Alexandre Lacassagne [1843-1924], qui fut son maître, et Alphonse Bertillon [1853-1914].

Pour le côté pratique, inventif, le titre de fondateur irait plutôt à Alphonse Bertillon, dont l’œuvre est d’ailleurs antérieure à celle d’Edmond Locard. Mais ce dernier a été le premier à mener un vrai travail épistémologique sur la police scientifique. Il a aussi posé les limites de cette discipline, et lui a donné très tôt ses deux grands principes, qui sont toujours d’actualité.

Edmond Locard devant le banc photographique de Leitz qu’il utilisait, dans les années 1920. Photographie issue du fonds de plaques de verre du laboratoire de police technique de Lyon, créé par Edmond Locard, en 1910.

Quels sont ces deux grands principes ?

D’abord celui des douze points, qu’Edmond Locard a établi vers 1914. Selon cette règle, douze points de concordance sur les crêtes papillaires entre deux empreintes digitales permettent d’affirmer qu’elles correspondent à la même personne. Ensuite, le principe de l’échange, selon lequel un malfaiteur a forcément laissé des traces sur une scène de crime et en a, en retour, emporté.

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