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L’union des marchés de capitaux, un impératif pour l’Europe

Une offensive italienne est en cours pour sauver l’Europe et elle est bienvenue. La même semaine a vu deux anciens présidents du conseil d’Italie, connus pour leur engagement européen, Enrico Letta et Mario Draghi, formuler des propositions audacieuses visant à permettre à l’Union européenne (UE) de résister au décrochage économique face aux puissances américaine et chinoise.

Dans un discours prononcé mardi 16 avril devant les membres d’une conférence sur les droits sociaux à La Hulpe, en Belgique, Mario Draghi, ex-président de la Banque centrale européenne (BCE), a plaidé pour un « changement radical » et une « redéfinition de notre Union qui ne soit pas moins ambitieuse que l’élan des pères fondateurs qui a conduit à la Communauté économique du charbon et de l’acier il y a soixante-dix ans ».

M. Draghi, qui doit remettre en juin un rapport sur la compétitivité de l’Europe, estime en effet que l’UE telle qu’elle a été conçue n’est pas équipée pour faire face à des puissances comme les Etats-Unis et la Chine. « Notre organisation, nos processus de décision et de financement sont faits pour le monde d’hier », a-t-il dit, un monde « d’avant le Covid, avant l’Ukraine, avant la conflagration au Moyen-Orient, avant le retour de la rivalité des grandes puissances ». Si elle ne veut pas être absorbée, l’UE doit se doter d’instruments adaptés au monde « d’aujourd’hui et de demain ».

Fragmentation du marché intérieur européen

C’est aussi l’objectif d’Enrico Letta, qui a présenté, jeudi 18 avril, aux dirigeants des Vingt-Sept réunis à Bruxelles le rapport sur la réforme du marché intérieur dont il a été chargé par la Commission. Pour l’ancien premier ministre social-démocrate, le marché unique européen, conçu à une époque « où les grands pays européens étaient les grands pays du monde », est resté « très XXe siècle » alors que les équilibres du monde ont été bouleversés.

Si elle reste figée dans sa construction originale, l’Europe continuera à décrocher par rapport à la Chine et aux Etats-Unis, inexorablement. Aujourd’hui, la fragmentation du marché intérieur européen non seulement l’empêche de rivaliser avec les grandes puissances économiques mondiales mais crée des emplois à l’étranger et fait des entreprises européennes la proie de ces puissances.

M. Letta a fait plusieurs propositions pour favoriser la création de champions européens dans les secteurs des télécoms, de l’énergie et de la finance. L’un des instruments indispensables pour franchir ce pas est l’intégration des marchés de capitaux à l’échelle de l’Union européenne – un chantier entrepris il y a dix ans. Un marché de capitaux intégré, comme c’est le cas aux Etats-Unis, permettrait de mobiliser l’excédent européen d’épargne privée pour financer l’investissement de long terme dans la transition verte et numérique.

Jeudi, au sommet européen à Bruxelles, le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président français, Emmanuel Macron, se sont battus pour donner une impulsion à l’union des marchés de capitaux et ont défendu l’idée de lancer un produit d’épargne européen. Cet effort commun franco-allemand doit être salué. Las ! Il s’est heurté à la résistance d’une douzaine d’Etats membres, menés par le Luxembourg et l’Irlande, arc-boutés sur leur pouvoir national de supervision financière et leurs régimes fiscaux. Le sujet doit revenir sur la table en juin.

Il faut espérer que le rapport Draghi produira à ce moment-là l’effet indispensable d’un électrochoc pour convaincre les pays récalcitrants de l’ampleur du défi posé à l’Europe.

Lire aussi la chronique | Article réservé à nos abonnés « Seul un marché des capitaux intégré donnera à l’UE les moyens de ses ambitions »

Le Monde

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