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Christine Détrez, sociologue : « Pour les jeunes, le crush est une façon de réinjecter du fantasme, pas au sens sexuel mais romantique »

Christine Détrez est professeure de sociologie à l’Ecole normale supérieure de Lyon et dirige le Centre Max-Weber. Ses recherches portent sur les questions du genre et la culture. Elle a notamment publié Nos mères. Huguette, Christiane et tant d’autres, une histoire de l’émancipation féminine (La Découverte, 2020) et Pour te ressembler (roman, Denoël, 2021).

Aujourd’hui, on entend beaucoup les ados parler de « crush ». Que recouvre ce terme exactement ?

Le crush, pour faire simple, ça serait une attirance pour quelqu’un qui a vocation à rester secrète. De la même façon qu’on peut parler d’une culture du flirt dans les années 1960, on peut parler aujourd’hui d’une culture du crush. Partir de ce mot m’a semblé une bonne porte d’entrée pour interroger les jeunes gens. C’est plus simple que de poser des questions en général sur l’amour et l’amitié.

Si l’attirance a vocation à « rester » secrète, cela veut-il dire que le crush reste une romance sans passage à l’acte ?

Si on est un puriste du crush, oui, ça ne doit pas être consommé, en particulier quand on est au collège et au lycée. D’ailleurs, les jeunes que j’ai interrogés disent qu’une fois que ça se concrétise, ce n’est plus un crush. Ça devient un « bail », un partenaire, un copain, une copine. En revanche, les jeunes adultes peuvent avoir des histoires concrètes avec une personne qu’ils continuent à considérer comme leur crush.

Y aurait-il donc crush et crush ?

C’est un peu un mot-valise, qui, effectivement, recouvre plusieurs catégories. Celui où l’on n’attend jamais de réciprocité, c’est le celebrity crush. Le crush pour l’acteur Timothée Chalamet, par exemple. Il y a peu de chance qu’un jour on ait un signe de réciprocité de cette personne-là. Ça peut aussi être quelqu’un qu’on voit passer dans un métro, sur lequel on crushe, mais qu’on n’abordera jamais. Donc, il y a une certaine catégorie de crush qui reste complètement virtuel. Mais il y en a d’autres, notamment au lycée, dont le but est plus d’alimenter la rigolade et la discussion avec les copines. « Je n’étais pas sûr d’avoir un crush, puis mes copines m’ont dit que ça l’était, c’est donc devenu un crush », m’a confié une jeune fille. On apprend collectivement à décoder les signes d’attirance ; quelque part, on apprend à aimer.

Un amour sans réciprocité ?

Là, il y a toute une série de stratégies qui ont vocation à savoir si c’est réciproque. Par exemple : « Est-ce qu’il m’a regardée ? » Au final, parfois, on dit juste « bonjour » de façon brève et gênée à son crush à la cantine, et ça ne va pas plus loin que ça.

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