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En France, l'Assemblée nationale adopte une loi en demi-teinte pour réduire l'exposition aux PFAS

Les députés français ont approuvé, jeudi, en première lecture, une proposition de loi écologiste visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS ou « polluants éternels », excluant toutefois de son périmètre les ustensiles de cuisine, après une forte mobilisation cette semaine des fabricants.

Les industriels ont obtenu gain de cause. L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 4 avril, une proposition de loi visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS, qui sont des « polluants éternels« , mais les ustensiles de cuisine ont été exclus du périmètre du texte voté. 

La majorité avait proposé de repousser l’interdiction concernant les ustensiles de cuisine de 2026 à 2030. Compromis rejeté par les écologistes, qui ne voulaient pas aller au-delà de 2027. Le camp présidentiel a répliqué en supprimant purement et simplement l’alinéa concernant ces produits. « Encore une fois » la majorité alliée à LR et au RN aura « cédé aux lobbying (du fabricant) Seb, au détriment de la santé des français. C’est une honte », ont réagi les députés écologistes.

Le texte a été approuvé à l’unanimité, avec 186 voix pour et zéro contre, malgré les réticences du gouvernement sur plusieurs points.

L’article principal présenté par l’écologiste Nicolas Thierry prévoit d’interdire à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l’importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d’habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile.

Massivement présentes dans la vie courante (poêles en téflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles…), ces substances per- et polyfluoroalkylés appelées PFAS (prononcer « pifasse ») doivent leur surnom à leur cycle de vie très long et, pour certaines, à leur effet néfaste sur la santé.

De prime abord consensuelle, la proposition de loi présentée par l’écologiste Nicolas Thierry, premier des huit textes présentés par son groupe dans le cadre de sa niche parlementaire, a suscité beaucoup de débats avant même le vote.

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Le gouvernement a mis en avant, mercredi, le travail en cours au niveau européen. « C’est bien au niveau européen qu’il faut se battre sur ce sujet-là, le levier européen est le bon levier » afin de ne pas affaiblir l’industrie française aux dépens de celles des pays voisins, a déclaré dans l’hémicycle le Premier ministre, Gabriel Attal.

L’Agence européenne des produits chimiques a publié en 2023 un projet d’interdiction allant dans le sens d’une restriction large des PFAS. Mais « cette initiative est conditionnée à un long processus décisionnel et pourrait aboutir dans le scénario le plus favorable à l’horizon 2027-2028 », selon Nicolas Thierry.

Les polluants éternels : les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS)
Les polluants éternels : les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) © Jonathan Walter, Sabrina Blanchard, AFP

Ambition restreinte

Le texte du député de Gironde vise à réduire l’exposition de la population à ces molécules, en interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits qui en contiennent.

Dans sa version initiale, il prévoyait d’interdire l’usage des PFAS à échéance de juillet 2025 pour certains produits, et de 2027 pour les autres, avec d’éventuelles dérogations. Afin d’obtenir une majorité en commission du développement durable la semaine dernière, Nicolas Thierry avait accepté d’en restreindre l’ambition.

La version présentée dans l’hémicycle prévoyait ainsi d’interdire à compter du 1er janvier 2026 tout ustensile de cuisine, produit cosmétique, produit de fart (pour les skis) ou produit textile d’habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées, à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile.

L’ensemble des textiles seraient concernés par l’interdiction à compter du 1er janvier 2030. Le secteur des emballages sort toutefois du périmètre de la loi, dans la mesure où un règlement européen doit « très prochainement » l’encadrer plus strictement.

Manifestation des salariés du groupe Seb contre un projet de loi visant à interdire les substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS) en France à partir de 2026, le 3 avril 2024 à Paris.
Manifestation des salariés du groupe Seb contre un projet de loi visant à interdire les substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS) en France à partir de 2026, le 3 avril 2024 à Paris. © Alain Jocard, AFP

Autres mesures, l’obligation de contrôler la présence de PFAS dans l’eau potable sur tout le territoire et l’application du principe pollueur-payeur avec une taxe visant les industriels qui en rejettent.

La majorité a fait adopter un article qu’elle avait ajouté en commission, qui prévoit la fin des rejets aqueux de PFAS dans les cinq ans.

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« Touche pas à ma poêle »

En dépit de cette réécriture, le texte avait suscité des réticences, surtout de la part de l’industrie de la cuisine qui ont obtenu victoire. 

Ils avaient sonné l’alarme cette semaine sur les menaces pour l’emploi que ferait peser une interdiction, notamment le fabricant d’articles de cuisine Seb.

L'une des banderoles déployées le samedi 2 mars 2024 par des militants entrés dans le site du groupe d'industrie chimique Arkema à Pierre-Bénite (Rhône) pour dénoncer la pollution aux perfluorés.
L’une des banderoles déployées le samedi 2 mars 2024 par des militants entrés dans le site du groupe d’industrie chimique Arkema à Pierre-Bénite (Rhône) pour dénoncer la pollution aux perfluorés. © Sylvain Thizy, AFP

Mercredi, des centaines de salariés soutenus par leur direction ont organisé une casserolade à proximité de l’Assemblée nationale pour demander le « retrait » du texte. « Touche pas à ma poêle », pouvait-on lire sur des pancartes.

La loi menacerait 3 000 emplois des usines Seb de Rumilly (Haute-Savoie) et de Tournus (Saône-et-Loire) qui fabriquent notamment les poêles Tefal, et le polytétrafluoroéthène utilisé pour le revêtement de ces dernières ne serait pas dangereux, selon le groupe.

Interrogé par l’AFP, Nicolas Thierry avait dénoncé le « lobbying un peu grossier » d’un industriel qui « diffuse des informations scientifiquement erronées » et qui fait un « chantage classique à l’emploi » alors que « l’avenir s’écrira sans polluant éternel » et que des alternatives existent déjà pour les produits culinaires.

"Produits chimiques éternels"
« Produits chimiques éternels » © Jonathan Walter, AFP

« Si, sur un sujet de santé publique aussi grave, quand il y a un consensus scientifique, politique, citoyen, on n’agit pas, quand est-ce qu’on le fait ? », s’était-il alarmé.

Avec AFP


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