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Au Medes de Toulouse, les missions sur Mars se préparent… au lit

Un volontaire, Enzo, participe alité à sa séance quotidienne de vélo sur centrifugeuse. Au Medes, à Toulouse, le 13 mars 2024.

Allongé sur son lit, le corps bardé d’électrodes, un homme pédale sur un vélo de fitness. Enzo (les noms des participants n’ont pas été communiqués) enchaîne des séries de pédalage, entrecoupées de moments de récupération. Dans son casque-micro, il écoute les instructions d’un médecin et d’un infirmier qui veillent à ses constantes physiologiques derrière leur poste de contrôle. Enzo en oublie presque que la centrifugeuse sur laquelle il est harnaché tourne à environ trente tours par minute et qu’il endure des accélérations de plus de 2 g, soit deux fois son poids.

Ses pieds, positionnés à l’extérieur de la centrifugeuse, dite à « bras court », subissent une accélération plus importante que sa tête. « Je sens le sang affluer vers mes pieds et mon cœur bondir dans la poitrine, redoublant d’effort pour faire revenir le sang vers le haut de mon corps », reconnaît-il. Cet homme de 28 ans n’a pas l’habitude d’efforts aussi intenses, surtout en restant constamment allongé. Mais ces séances quotidiennes pourraient s’avérer essentielles pour limiter les effets délétères d’un séjour prolongé dans l’espace. Lui-même n’y est jamais allé – et n’ira jamais – et, pourtant, depuis un mois, il éprouve sur Terre les mêmes effets physiologiques qu’a vécus Thomas Pesquet en impesanteur dans la Station spatiale internationale (ISS).

Conséquences sur l’organisme

Depuis début février, à l’Institut de médecine et de physiologie spatiales (Medes), pour Enzo, le milieu spatial se limite à un lit. Avec onze autres volontaires, il participe au deuxième volet d’une étude clinique pour le compte du Centre national d’études spatiales (CNES) et de l’Agence spatiale européenne (ESA), dont la première partie avait été menée en 2023. L’expérience dure au total trois mois, dont deux pendant lesquels les douze participants vivent constamment couchés, la tête un peu plus basse que leurs pieds, sur un lit incliné à − 6 degrés. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans se lever, à prendre leurs repas et leurs douches totalement allongés, avec interdiction absolue de se verticaliser.

Ce modèle d’alitement appelé bedrest (« repos au lit ») a été mis au point dans les années 1970 pour étudier au sol les effets de la microgravité et est rapidement devenu le modèle de référence en recherche clinique spatiale. « Les fluides descendent vers la tête et le thorax, et c’est exactement ce qui se passe quand on est en impesanteur, détaille Rebecca Billette de Villemeur, responsable médicale au Medes. Le corps humain continue à fonctionner comme s’il devait toujours lutter contre la gravité, en remontant le sang vers le cœur et le cerveau. » Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’organisme. « En l’absence de pesanteur, les muscles des astronautes fondent, leurs os perdent de leur densité et leur cœur, moins sollicité, est plus sensible à l’effort, poursuit la médecin. De retour sur Terre, le sang redescend vers les pieds. Le cerveau et le cœur ne sont alors plus assez irrigués, conduisant à une hypotension dite “orthostatique”. » La spécialiste évoque d’autres risques pouvant survenir au retour : problèmes d’acuité visuelle, d’obésité, de dysfonctionnement du système immunitaire et même de diabète de type II.

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