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« La présomption d’innocence ne s’oppose pas à la parole des victimes »

Depuis quelque temps, une musique déplaisante se fait entendre à nos oreilles d’avocats. Si les discours populistes ont toujours remis en cause certains de nos principes fondamentaux au nom de la sécurité et de l’efficacité de la justice (rappelons que la France est le pays des droits de l’homme, elle est aussi celui de l’insulte « droit-de-l’hommisme »), la nouveauté est que ce discours se répand dans les milieux politiques, juridiques et intellectuels sans que les réactions ne nous semblent à la hauteur des enjeux.

C’est actuellement le domaine des violences sexuelles qui cristallise la banalisation de ce type de propos. Tout le monde conviendra évidemment que la libération de la parole des victimes est salutaire et qu’elle a permis à la justice de prendre la mesure de son retard et des résistances institutionnelles qui la gangrenaient.

Pour autant, cette libération s’accompagne, par une déferlante médiatique et numérique impossible à contenir, d’une rhétorique inquiétante quant au traitement judiciaire de ces affaires. Il en résulte une interdiction pure et simple de défense, tant les mécanismes les plus élémentaires de la procédure pénale sont désignés comme l’outil de l’adversaire au service de l’impunité.

S’ensuit la remise en question de principes essentiels, en particulier la présomption d’innocence et son corollaire, la charge de la preuve, dont la contestation n’est plus taboue.

Pour 69 % des Français, nos élites devraient systématiquement démissionner dès leur mise en cause en matière de violences sexuelles, avant qu’une condamnation soit prononcée, ce qui revient à leur dénier tout droit d’accès à la présomption d’innocence. Tel est le désespérant enseignement d’un sondage OpinionWay de décembre 2023.

Dans le même sens, il n’est plus exceptionnel d’entendre les politiques soutenir que l’application de nos règles de droit devrait être écartée au nom de notions aussi grotesques que « le bon sens ». Par exemple, Juliette Méadel, ancienne secrétaire d’Etat, estimait dans une tribune au Monde que « Les victimes doivent pouvoir bénéficier d’un régime de preuve qui tienne compte de la réalité des situations de subordination qu’elles vivent. L’esprit de justice comme le bon sens le commandent. »

Pente dangereuse dès les années 2000

C’est aussi la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) qui affirme, dans son rapport rendu public en novembre 2023, que ces principes sont « “des  bonnes planques”, autrement dit comme des prétextes pour ne pas protéger les enfants parce que c’est toujours pour justifier le refus de protéger qu’ils sont énoncés. »

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