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ExxonMobil, roi du pétrole au Guyana

Depuis son ouverture en 1868, en pleine colonisation britannique, le Musée national du Guyana est resté dans son jus. Peut-être même l’a-t-on oublié. Abrité dans un immeuble décati du quartier historique de Georgetown, la capitale, il est si désert et silencieux que l’arrivée d’un visiteur fait sursauter l’hôtesse d’accueil. Autour d’elle, des pics-verts, des paresseux à deux orteils, ou encore des tapirs empaillés sont enfermés dans de vieilles vitrines parées de bois d’acajou. Un peu plus loin, les cartes des premiers explorateurs français et espagnols sont accrochées au mur.

Et, dans la dernière salle, une relique inattendue : un flacon contenant les premières gouttes noires de pétrole extraites à 200 kilomètres des côtes et exposé sous la lumière de projecteurs. Au-dessus, une vidéo diffuse, dans une mise en scène hollywoodienne, des images d’une forêt vierge : « Le Guyana abrite l’un des habitats naturels les plus intacts au monde et l’une des biodiversités les plus riches », détaille le film. Avant d’enchaîner, sur un trémolo de violons : « Mais les habitants ont aussi des richesses naturelles qui étaient jusque-là cachées dans les fonds sous-marins»

Et voici comment, le 20 mai 2015, ExxonMobil changea le destin de ce petit pays de 800 000 habitants, coincé entre le Venezuela, le Brésil et le Suriname. Comme l’annoncent les « unes » des journaux publiés ce jour-là, affichées aux murs du musée : « Des quantités importantes de pétrole découvertes », « Exxon tombe sur du pétrole ! »

Au musée national du Guyana, construit par le gouvernement du Guyana en partenariat avec ExxonMobil, le premier échantillon du pétrole brut de Liza Destiny est exposé. A Georgetown, le 1er février 2024.

Les réserves sont évaluées, à ce jour, à 11 milliards de barils, soit 880 milliards de dollars (808 milliards d’euros) au cours actuel du brent – le tiers du pétrole brut découvert dans le monde depuis 2015. Les ingénieurs qui démarrent l’exploration, en 1999, ont pourtant failli passer à côté. Après plusieurs années d’essais infructueux, alors que chaque forage peut coûter jusqu’à 20 millions de dollars, Shell jette l’éponge en 2014, et abandonne ExxonMobil.

Lire le reportage | Article réservé à nos abonnés Le Guyana, naissance d’un nouveau géant pétrolier

La compagnie pétrolière américaine Hess Oil et le chinois China National Offshore Oil Corp lui rachètent ses parts à hauteur de respectivement 30 % et 25 % chacune, pour une bouchée de pain. Alistair Routledge, alors président d’ExxonMobil Guyana, racontera plus tard que trente-cinq investisseurs avaient été démarchés. Signe de l’intérêt stratégique de ce gisement, le géant américain Chevron a dévoilé son intention de racheter Hess, fin 2023, pour 53 milliards de dollars. Un projet suspendu depuis qu’ExxonMobil a lancé une procédure d’arbitrage pour faire reconnaître son droit de préemption sur la part d’Hess Oil dans le bloc prolifique de Stabroek, au Guyana.

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