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« La prolifération des normes ne saurait être stoppée dans une société humaine qui se développe, si ce n’est à la marge et très ponctuellement »

La crise agricole actuelle a révélé le profond désarroi des agriculteurs face à la normalisation qui les touche.

Au-delà de leur cas, la prolifération des normes est ressentie comme un fardeau dans la plupart des secteurs en France :

– dans les collectivités territoriales, où le Conseil national d’évaluation des normes ne cesse de dénoncer cette prolifération ;

à l’hôpital, où les soignants pointent continuellement le surplus de temps administratif qu’engendre la tarification à l’acte ;

– dans l’industrie, où les normes d’accès au foncier bloquent la construction de nouveaux sites, obérant ainsi la réindustrialisation des territoires.

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Dans un rapport d’information du 15 juin 2023 sur la « sobriété normative », les sénateurs ont documenté cette prolifération des normes et démontré l’échec de la politique publique de simplification qui devait l’éradiquer. Le volume des seules normes d’origine étatique a ainsi doublé en vingt ans, et le coût des normes pour l’économie française s’est envolé pour se situer entre 60 et 120 milliards d’euros par an selon les critères considérés.

De 3 % à 6 % du PIB annuel

Cela représente de 3 % à 6 % du produit intérieur brut (PIB) annuel si l’on prend en compte le total des temps d’activités supplémentaires de conformité et des abandons d’activités devenues trop contraignantes. Nonobstant ce patent échec, le rapport sénatorial conclut à la nécessité de poursuivre la simplification. Celle-ci sert donc toujours de deus ex machina pour sortir des crises de normalisation, comme celle qui frappe aujourd’hui les agriculteurs.

Or, les connaissances du phénomène normatif comme celles proposées par les réseaux de recherche interdisciplinaires Law & Management et Tétranormalisation montrent que la prolifération des normes ne saurait être stoppée dans une société humaine qui se développe, si ce n’est à la marge et très ponctuellement. L’action collective organisée appelle congénitalement une production normative que l’appétence des populations vers plus de maîtrise des risques et de protection rend inextinguible.

Plutôt qu’une illusoire simplification, ces chercheurs privilégient donc le principe d’« équilibration », c’est-à-dire la recherche d’un équilibre satisfaisant entre les attentes du normalisateur et les contraintes des entités visées, rendant plus applicable la norme dans la réalité de l’activité sociale, économique et environnementale.

On observe ainsi qu’une norme élaborée en silo, sans négociation de proximité suffisante avec les représentants des entités sur lesquelles elle s’applique, maximise en retour les réactions de résistance, voire de désobéissance, de ces entités, et par conséquent la non-conformité. Ce défaut est à l’origine des phénomènes observables aujourd’hui en Europe.

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