Close

La révolution visuelle de Descartes

Au XVIIe siècle, l’expérimentateur Robert Boyle soulignait en ces termes l’innovation visuelle de la science cartésienne : « Si vous considérez combien il est difficile (pour ne pas dire impossible) de faire une longue démonstration géométrique, sans l’aide d’un schéma visible, pour aider à la fois la fantaisie et la mémoire ; et combien il est difficile de donner aux débutants une idée des fondements de la cosmographie et de la géographie, sans schémas et globes matériels (…). »

Cet extrait de citation, placée dans l’introduction du livre de Melissa Lo Skepticism’s Pictures. Figuring Descartes’s Natural Philosophy (Pennsylvania State University Press, 2023, non traduit), rappelle l’importance des images associées à la révolution scientifique. Certes, les figures n’étaient pas absentes des traités de la philosophie naturelle aristotélicienne qui était encore enseignée dans les collèges et à l’université, mais elles se limitaient souvent aux arbres de Porphyre.

Des travaux récents sont revenus pourtant sur cette idée de pauvreté visuelle de la scolastique. Ayelet Even-Ezra, dans Lines of Thought. Branching Diagrams and the Medieval Mind (University of Chicago Press, 2022, non traduit), montre l’importance des diagrammes et des arbres dans le mode de pensée médiéval en liaison avec d’autres dispositifs pour enregistrer et stocker l’information sur la page manuscrite.

Texte et images se complètent

L’historienne de l’art Susanna Berger a fait beaucoup pour historiciser cet usage des images à la Renaissance et au XVIIe siècle en étudiant les stratégies de sélection, de recombinaison, employées par les savants aristotéliciens et anti-aristotéliciens. Au XVIIe siècle toujours, les affiches de soutenance de thèse ou encore le genre du tableau, de la table ou du synopsis renouvellent dans un cadre pédagogique la grammaire visuelle des sciences scolastiques.

Pour Boyle, les images produites dans les Essais qui accompagnent la géométrie de Descartes et ses Principia ne sont pas des images banales. Selon Melissa Lo, « ces images ont exigé des arguments. Elles ont corrigé, retravaillé, adapté et ajusté les coupes des Essais et des Principia à un nouveau contexte ». Elles font partie d’un nouveau dispositif qui vise à convaincre les savants les plus réticents à la nouvelle philosophie expérimentale. Mais il n’est pas question de réduire ce travail à de l’illustration.

Cette multiplication d’images renvoie chez Descartes à une conception scientifique où la figuration et l’imagination jouent un rôle essentiel, où les images pensent. En effet, le texte et l’image se complètent et renvoient à une théorie de la ressemblance qui se fonde sur les théories optiques et physiologiques.

Il vous reste 33% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top