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« Emily de New Moon » : la féerie noire de Lucy Maud Montgomery

Lucy Maud Montgomery (1874-1942), en 1891.

« Emily de New Moon » (Emily of New Moon), de Lucy Maud Montgomery, traduit de l’anglais (Canada) par Laure-Lyn Boisseau-Axmann, Monsieur Toussaint Louverture, 432 p., 18,50 €, numérique 5 €.

Détestant être confondue avec ses héroïnes, mais reconnaissant, en 1934, dans une lettre à une lectrice, avoir prêté à Anne, la rousse sagace de son cycle romanesque connu en France sous le titre La Maison aux pignons verts, son « imagination », et à l’héroïne d’Emily de New Moon, son « don pour le scribouillage », Lucy Maud Montgomery (1874-1942) aimait les pieds de nez. Elle n’aurait pourtant pas goûté celui que lui fait la postérité, qui a transformé en autrice de bluettes pour la jeunesse l’écrivaine canadienne la plus lue au monde, féministe avant l’heure, dont les livres ont fait l’objet de vingtaines d’adaptations audiovisuelles, jusqu’à la série Netflix Anne With an E.

Une « auteuresse » célèbre

Tout, chez celle qui destinait en réalité ses écrits aux adultes, se tient dans un pas de deux, tressage unique d’insolence et de poésie, de fantaisie et de profondeur. La beauté de ses romans déflagrations bouscule jusqu’à la transe. Orpheline de mère, élevée par des grands-parents peu aimants sur l’Ile-du-Prince-Edouard (Canada), l’écrivaine, dont les éditions Monsieur Toussaint Louverture, après Anne de Green Gables (2020), nouveau titre de La Maison aux pignons verts, et les sept volumes suivants, publient une nouvelle traduction de la trilogie d’Emily (suivront L’Ascension d’Emily, puis La Quête d’Emily), faisait de l’écriture un espace sacré. Elle s’inventait, à travers ces héroïnes, des sœurs dont elle partageait les « illuminations » – « Le merveilleux moment où l’âme semble se départir de ses liens de chair pour bondir vers les étoiles. »

En ces années 1920, Montgomery est mariée à un pasteur presbytérien persuadé d’être damné. Elle a délaissé son poste d’institutrice pour vivre de sa plume. Les aventures d’Anne Shirley, épopée d’une orpheline adoptée par des fermiers, qui rebaptise tout ce qui l’entoure, dessinant la géographie intime de ses rêves, a conquis le cœur des lecteurs (le premier tome, paru en 1908, fut tout de suite réimprimé). A travers elle, l’autrice assouvit tout ce dont, enfant solitaire, elle a manqué. Quand paraît Emily of New Moon, en 1923, plus autobiographique, cinq autres volumes autour d’Anne ont fait s’envoler la renommée de Montgomery. Emily, l’héroïne qui se glisse alors sous sa plume, ne veut qu’une chose : devenir, comme sa créatrice, une « auteuresse célèbre ».

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