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Sûreté nucléaire : « Les approches du risque de l’ASN et de l’IRSN ne pourront pas cohabiter au sein d’une même institution »

Depuis le 11 mars, l’Assemblée nationale délibère sur le projet de loi de réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire. Le suspense dure jusqu’au bout, après un premier rejet du projet par l’Assemblée nationale à l’hiver 2023, et un nouveau rejet de l’article premier, prononçant la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en commission le 5 mars.

Si ce projet est adopté, ce sera la première fois qu’une loi concernant la sûreté nucléaire le sera, sans un large consensus de la représentation nationale. Le gouvernement n’aura pas réussi à obtenir l’assentiment de tous sur la possibilité de cette réforme, ni à persuader de l’absence de risques à la réaliser.

Pourquoi cette réforme peut-elle être dangereuse ? Son objectif paraît après tout raisonnable : simplifier l’organisation du contrôle de la sûreté nucléaire, tout en réaffirmant l’exigence des plus hauts niveaux de sûreté, pour accompagner les grands chantiers à venir de l’industrie nucléaire. De même pour son principe : regrouper l’ensemble des moyens au sein d’une même entité, disposant d’un statut assurant son indépendance vis-à-vis du gouvernement et de l’industrie.

Pourtant, des spécialistes de la sûreté nucléaire et de ses rouages identifient trois risques : d’abord, le risque le plus immédiat, celui du choc des cultures. Le contrôle de la sûreté nucléaire relève par essence du domaine régalien. L’ASN est l’une des expressions de l’Etat, et sa culture interne n’est guère différente de celle des administrations de contrôle dans d’autres domaines. Elle n’a pas de personnalité juridique autre que celle de l’Etat, la majorité de ses dirigeants est nommée par le président de la République, et les décisions les plus importantes en matière de sûreté nucléaire restent du ressort du gouvernement, sur proposition de l’ASN. Tout ceci paraît normal au vu des enjeux pour le pays. Mais cette culture d’Etat emporte avec elle celle du secret des délibérations et une faible propension à rendre compte, pratiques séculaires dont il est improbable de se débarrasser. La décision d’engager cette réforme n’est-elle pas fondée sur un rapport remis au chef de l’Etat immédiatement classé secret-défense ?

Le risque de l’érosion de la confiance

Par contraste, l’IRSN est un opérateur de l’Etat, sans aucun pouvoir administratif, dont la raison d’être est le progrès de la connaissance scientifique et son partage. Son statut d’établissement public à caractère industriel et commercial l’ouvre sur le monde, sans lui accorder de privilèges. Ses experts n’ont pas besoin d’un référentiel normatif détaillé pour analyser l’architecture de sûreté d’une installation nucléaire, pour se confronter aux experts de l’industrie et pour émettre un avis scientifique sur la pertinence des dispositions de sûreté proposées. Mais cette culture scientifique et ouverte ne fait pas le poids face à la culture régalienne.

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