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Un amphibien qui nourrit ses petits avec du lait

Une mère « Siphonops annulatus » avec ses bébés commençant la pigmentation de la peau.

C’est une créature qui gagne à être connue, tant elle réserve de surprises. Son anatomie, d’abord. Un tuyau de caoutchouc couleur plomb, long de 40 à 50 centimètres, aux anneaux sertis de rose pâle. Encore un de ces – gros – vers segmentés qui batifolent dans les sols ou les mers, pensez-vous. Eh bien non. L’animal est un vertébré : chacun de ses anneaux correspond à l’une de ses vertèbres. Qui plus est, c’est un amphibien, une classe animale connue pour les grenouilles, crapauds, salamandres ou tritons qui la peuplent… mais pas pour les gymnophiones, ces étranges bestioles qui, sous l’apparence du ver ou du serpent, arborent des signes qui ne trompent pas le taxonomiste : une peau transparente, des structures anatomiques typiques des amphibiens.

L’espèce qui nous occupe ici est le siphonops annelé (Siphonops annulatus). Comme la plupart des gymnophiones, l’animal affectionne les zones tropicales d’Amérique du Sud, notamment au Brésil, et vit exclusivement sous terre. Comme la plupart d’entre eux aussi, « il est devenu quasi aveugle et il a perdu ses pattes, en adaptation à son mode de vie fouisseur », explique Anthony Herrel, du Muséum national d’histoire naturelle à Paris.

Sa locomotion est aussi une curiosité « unique chez les vertébrés », relève le chercheur. Grâce à son corps serpentin et très muqueux, il chemine de façon fluide dans les tunnels qu’il creuse. « On a l’impression qu’il plonge dans le sol. Ses tentacules sensoriels entrent en action, évaluant les caractéristiques physiques et chimiques de son environnement », explique Carlos Jared, biologiste à l’Institut Butantan de Sao Paulo, au Brésil. La bête se meut, en réalité, grâce aux variations de pression interne de ses muscles.

Une croissance hyperrapide

Mais ce sont les soins délivrés par les mères, chez ce drôle d’amphibien, qui stupéfient les chercheurs. Alors que les femelles pondent (c’est une espèce ovipare, comme la plupart des gymnophiones), elles peuvent aussi nourrir leurs petits par le « lait » qu’elles sécrètent… au niveau du cloaque, révèle l’équipe de Carlos Jared dans la revue Science du 8 mars. « C’est hallucinant ! », s’émerveille Anthony Herrel, pourtant rompu aux bizarreries du vivant.

De fait, la bestiole a développé deux incroyables adaptations pour nourrir ses petits. La première a alerté les chercheurs quand ils ont observé cette saisissante métamorphose : les mères, qui gardent leurs petits blottis contre elles, changent de couleur durant les soins parentaux. Du bleu plomb (comme les mâles), elles passent à un ton laiteux. C’est que leur peau se remplit de gouttelettes de lipides associées à des protéines. Grâce à leurs dents provisoires, les larves raclent alors cette couche de peau… qu’elles dévorent en sept minutes. Puis elles attendent de trois à sept jours, le temps que la peau maternelle se régénère. Cette source alimentaire inattendue, cependant, ne suffit pas à expliquer leur croissance rapide : la première semaine après l’éclosion, leur poids fait plus que doubler.

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