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Assurance-chômage : la volonté de l’Etat de « reprendre la main » sur le régime hérisse les syndicats et le patronat

Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances dans son bureau à Bercy, à Paris, le 5 mars 2024.

Décidément, le gouvernement a plein d’idées sur l’assurance-chômage. Depuis son arrivée à Matignon, Gabriel Attal ne cesse de répéter qu’il faut, à nouveau, revoir l’indemnisation des demandeurs d’emploi – sans doute pour réduire sa durée. Bruno Le Maire, lui, vient d’émettre une autre proposition. « L’Etat devrait reprendre la main sur [le régime] de manière définitive », a expliqué le ministre de l’économie, dans un entretien au Monde, daté du jeudi 7 mars. Sa déclaration, validée par l’Elysée, a heurté les syndicats et le patronat, puisque ce sont eux, théoriquement, qui gèrent le dispositif, à travers l’association Unédic. La position du locataire de Bercy s’inscrit dans une épreuve de force, engagée dès le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, au cours de laquelle l’exécutif n’a cessé de resserrer son emprise sur le système de protection des chômeurs. Et ce processus pourrait aller encore plus loin.

Sur le papier, la gouvernance de l’Unédic est paritaire, c’est-à-dire exercée conjointement par les organisations d’employeurs et de salariés. Mais, dans la réalité, l’Etat est omniprésent, depuis des décennies : son agrément est indispensable pour l’entrée en vigueur des « conventions » négociées par les partenaires sociaux sur les règles d’indemnisation. C’est lui, également, qui se porte garant de la dette du régime en cas de défaut de paiement – ce qui ne s’est jamais produit, jusqu’à présent.

Depuis la loi « avenir professionnel » de septembre 2018, l’étreinte des pouvoirs publics s’est accentuée. Désormais, le gouvernement fixe les objectifs des négociations entre le patronat et les syndicats dans un « document de cadrage ». En 2019, un nouveau seuil a été franchi après l’échec des discussions entre organisations d’employeurs et de salariés. L’exécutif s’est installé aux commandes, et a imposé des changements de la mi-2019 au début de 2023, à travers une cascade de textes législatifs et réglementaires, qui ont durci les conditions dans lesquelles un chômeur est couvert. Les partenaires sociaux n’ont retrouvé leurs prérogatives que très récemment. Le 10 novembre 2023, ils sont parvenus à un accord signé par l’ensemble des mouvements patronaux et par la CFDT, la CFTC ainsi que Force ouvrière (FO). La « convention » résultant de ce compromis doit maintenant être agréée par le ministère du travail, qui a repoussé sa décision en attendant le résultat de la négociation en cours sur l’emploi des seniors.

« Situation bancale »

L’hypothèse d’une nationalisation à 100 % de l’Unédic ne jaillit pas de nulle part. Elle affleurait déjà dans un livre-programme publié par M. Macron quelques mois avant son entrée en fonction à l’Elysée : Révolution (XO éditions, 2016). En 2018, Muriel Pénicaud, alors ministre du travail, et son équipe avaient plaidé pour que le pilotage de l’Unédic soit confié à l’Etat. « Mais le projet avait été abandonné. Des voix s’élevaient pour dénoncer la verticalité du gouvernement sur la réforme de l’apprentissage, que les régions désapprouvaient, et sur la refonte du compte personnel de formation, menée contre l’avis des partenaires sociaux », raconte Antoine Foucher, directeur du cabinet de Mme Pénicaud lorsque celle-ci était ministre.

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