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« Le décret d’annulation de 10 milliards de dépenses budgétaires a deux cibles prioritaires : la politique du futur et la politique de solidarité »

En un seul décret, publié le 22 février au Journal officiel de la République française, le gouvernement vient d’annuler très exactement 10 milliards d’euros d’autorisation d’engagement de dépenses pour l’année 2024. On se souvient que la réforme des retraites de 2023 avait pour objectif de dégager à peu près la même somme, mais à l’horizon de 2030. On mesure à ce simple énoncé le choc que représente cette décision unilatérale, brutale et aveugle.

Il est difficile, à ce stade, de mesurer l’ensemble de ses effets en matière de réduction de l’emploi public, puisque, dans de nombreux cas, les restrictions concernent des opérateurs de l’Etat à qui sera laissé le soin de faire le sale boulot. Parmi les informations connues, la saignée concernerait par exemple environ 5 000 emplois dans l’enseignement, sans intégrer les assistants d’éducation et les accompagnants d’élèves en situation de handicap.

Par contraste, la gendarmerie nationale et la police ne perdent aucun emploi. Malgré la communication du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, tous les ministères ne sont donc pas logés à la même enseigne.

L’examen des programmes les plus affectés par ce décret permet de lire les deux cibles prioritaires, qui concentrent au moins deux tiers de ces « économies » : la politique du futur et la politique de solidarité. Je regroupe sous l’expression « politique du futur » l’écologie, mais aussi l’éducation, la recherche et la jeunesse.

Un double contexte

Alors que ces domaines sont déjà en souffrance, au moins 3,92 milliards d’euros leur sont immédiatement retirés, soit près de 40 % des annulations. Quant à la politique de solidarité, c’est-à-dire l’aide aux chômeurs, aux pauvres, aux personnes en situation de handicap, aux mal-logés, aux habitants des quartiers populaires, aux étrangers (d’ici et de là-bas) et aux lointains (outre-mer), elle se voit privée de 2,73 milliards d’euros, du jour au lendemain.

Ces coupes franches dans le budget de l’Etat interviennent dans un double contexte. D’abord, celui d’une remise en selle récente à l’échelle européenne du pacte de stabilité et de croissance, dont l’objet est, depuis la fin des années 1990, le contrôle de la dette publique et du déficit. Malgré la parenthèse du Covid, ce pacte vient d’être prolongé avec des règles à peine toilettées, aussi arbitraires qu’obsolètes face aux enjeux du climat et de la biodiversité.

Ensuite, le décret est consécutif à une révision à la baisse des prévisions de croissance en France, avec pour conséquence attendue celle des rentrées fiscales. Comme s’il s’agissait d’un implacable syllogisme, le gouvernement en a déduit la nécessité de cette politique d’austérité.

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