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Missak Manouchian n’est pas mort à 37 ans, mais à 34 : le résistant s’était vieilli de trois ans à son arrivée en France

Inscription sur le caveau de Missak Manouchian, qui repose au Panthéon depuis le 21 février 2024.

Il n’est pas mort fusillé à 37 ans, comme l’ont dit historiens et autorités lors de sa panthéonisation, le 21 février 2024. Missak Manouchian est mort à 34 ans, car il n’est pas né le 1er septembre 1906, mais trois ans plus tard, en 1909, l’année des massacres perpétrés à Adana (Cilicie), province ottomane voisine du lieu de naissance du jeune Arménien, Adiyaman, une tragédie qui annonce le génocide à venir, celui de la première guerre mondiale.

C’est la découverte faite le 22 février, au lendemain de la panthéonisation, par un membre de la famille Manouchian, en visitant l’exposition « Vivre à en mourir », organisée à l’occasion de l’hommage aux résistants immigrés de la seconde guerre mondiale dans la crypte du Panthéon. Entre un schéma de filature de la brigade spéciale 2 et quelques-unes des dernières lettres des condamnés se trouvent exposés trois de la dizaine de carnets manuscrits de Missak Manouchian, conservés au Musée d’art et de littérature d’Erevan, et découverts en mai 2023 par Katia Guiragossian, petite-nièce de Mélinée Manouchian, compagne du jeune résistant. Ils ont été prêtés par le musée d’Erevan pour l’exposition.

Ces carnets, agendas et mémos étaient écrits pour moitié en arménien, et le travail de traduction n’a jamais été entrepris, expliquait Katia Guiragossian au Monde. Ce 22 février, ils tombent pour la première fois sous l’œil de Hasmik Manouchian, arrière-petite-fille de Haïk (frère aîné de Missak Manouchian). Elle parle l’arménien et, derrière la vitrine, elle déchiffre, fascinée, les quelques lignes notées par Missak Manouchian sur une page ouverte au hasard.

« Je n’ai pas le souvenir d’un moment de paix dans ma vie, écrit le jeune apatride, tout juste arrivé à Paris. J’ai toujours été en lutte avec moi-même. J’ai 25 ans et j’aimerais comprendre où va s’achever cette vie turbulente. Je voudrais me livrer mais il semble qu’on a posé une pierre sur mon cœur. Soucis matériels et moraux se succèdent. Où me mènera cette vie turbulente ? Le vœu le plus cher de ma vie était de me consacrer à l’art, mais me voici lancé dans la lutte politique et militante et je ne suis pas en paix avec moi-même. On m’a confié la responsabilité de publier un périodique, mais je vais exploser et je me demande si je vais pouvoir demeurer poète (…) le journalisme va me tuer, il me met sens dessus dessous. »

Se vieillir pour trouver du travail

Hasmik Manouchian lit attentivement ces lignes, écrites, selon le cahier, en février 1935. S’il a alors 25 ans, comme il l’écrit, l’auteur s’est donc vieilli de trois ans ! « On le savait, en fait, nous explique, mercredi 6 mars, Hasmik Manouchian. La génération des enfants du génocide ne s’épanchait pas, ne parlait pas, mais la famille a toujours entendu dire que l’oncle Missak se serait vieilli de plusieurs années. C’est d’ailleurs raconté dans un livre d’un auteur arménien, Tigran Drampyan », ajoute-t-elle. Cette fois-ci, la preuve est là.

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