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« Pour Napoléon III comme pour Jules Méline, l’enjeu du commerce international était d’abord politique »

L’âpreté du débat entre partisans du protectionnisme et défenseurs du libre-échange invite à un retour sur l’histoire contemporaine de la France. A l’échelle du XIXe siècle, le protectionnisme français s’est d’abord défini en termes politiques dans un rejet de l’Ancien Régime, qui, en 1786, avait fait le pari aventureux d’un traité de commerce libre-échangiste avec l’Angleterre pour réussir, de l’extérieur, une modernisation enlisée dans la société de privilèges.

L’ouverture commerciale fut associée à l’Ancien Régime et l’épisode révolutionnaire opposa au « funeste traité » un protectionnisme dont la vocation fut non seulement d’assurer le succès de l’industrialisation, mais encore de donner à la nation un socle, une frontière économique et politique protégée des vents contraires du grand large. Le mot d’ordre des manufacturiers français, qui tournaient le dos aux thèses des économistes libéraux David Ricardo (1772-1823) et Jean-Baptiste Say (1767-1832), était alors : « Ne pas être le Portugal » – pays pris en exemple par Ricardo pour vanter sa théorie des « avantages comparatifs ».

Le modèle anglais

Avec la monarchie constitutionnelle (1815-1848), une technocratie d’esprit libéral définit un programme original qui affirmait que le véritable espace de la liberté économique trouverait sa place dans les contours politiques de la nation née en 1789. Au-delà, l’espace international relevait d’une logique tout à fait différente.

Vouloir la liberté économique dans un marché sans frontières, c’était prendre le risque de faire échouer la liberté sur le marché intérieur. A l’intérieur, pratique déterminée du « laissez faire, laissez passer » ; à l’extérieur, protection. Aucune contradiction entre les deux attitudes : l’une, au contraire, appelait l’autre. Pour ces technocrates, qui réalisèrent ainsi la synthèse entre Turgot (1727-1781), Smith (1723-1790) et Colbert (1619-1683), le libéralisme économique, loin des dogmes, ne pouvait être compris qu’en situation dans l’histoire et le rapport des forces internationales.

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La protection douanière la plus forte fut accordée à l’industrie cotonnière. Le modèle anglais, admiré alors pour son « égoïsme national », avait montré que cette industrie était la matrice du capitalisme, dont la réussite semblait indispensable pour que la France reste une grande puissance. Pour Jean-Antoine Chaptal (1756-1832, ministre de l’intérieur de Bonaparte pendant le Consulat, 1800-1804), le protectionnisme, politique sociale, « mobiliserait les bras » et romprait avec le sous-développement de l’Ancien Régime.

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