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François Molins : « Le politique ne doit pas se mêler de justice et la justice ne doit pas se mêler de politique »

François Molins aux Editions Flammarion, à Paris, le 8 février 2024.

Ancien procureur général près la Cour de cassation, à la retraite depuis l’été 2023, François Molins publie, mercredi 21 février, ses Mémoires, écrits avec la collaboration de la journaliste Chloé Triomphe, Au nom du peuple français (Flammarion, 368 pages, 22 euros). Figure éminente de la magistrature, il a dirigé plusieurs parquets, dont ceux de Bobigny et de Paris. M. Molins fut aussi directeur de cabinet de deux gardes des sceaux : Michèle Alliot-Marie et Michel Mercier.

Votre livre revient sur votre carrière dans la magistrature : quarante-six ans au parquet où vous avez gravi tous les échelons. En quoi la justice a-t-elle changé entre vos débuts et aujourd’hui ?

Elle a profondément changé. J’essaye de l’expliquer dans le livre. Quand je suis devenu magistrat en 1979, le budget de fonctionnement des juridictions dépendait du président du conseil général. Il fallait négocier. J’ai connu cela jusqu’aux lois de décentralisation adoptées sous François Mitterrand, où c’est le ministère de la justice qui a alloué les moyens. Ce fut un très gros progrès.

La période que j’ai connue se traduit par une autre délinquance et une autre criminalité. Il y a, aujourd’hui, beaucoup plus de violence, une place beaucoup plus importante des stupéfiants.

Et dans le fonctionnement de la justice ?

Il y a deux éléments majeurs. La politique pénale a pris une part croissante dans l’activité des parquets. Vous allez exécuter les directives générales du garde des sceaux, mais vous pouvez prendre des initiatives et construire quelque chose, comme j’ai pu faire, par exemple, avec le Téléphone grave danger [dispositif contre les violences conjugales, expérimenté lorsque M. Molins était en poste à Bobigny].

L’autre phénomène est la tendance à mettre le juge et le procureur à toutes les sauces, à augmenter en permanence les attributions, les compétences, sans donner les moyens d’intervenir. Tout cela se doublant d’une vision trop légicentrée des réformes. Or il ne suffit pas de voter les réformes, il faut se donner les moyens de les appliquer.

La justice s’est-elle rapprochée du justiciable ?

Oui et non. Elle s’en est rapprochée grâce aux formes de justice douces, aux obligations de conciliation, à la médiation, la justice restaurative, les maisons de justice… Elle s’en est aussi éloignée car les délais sont importants, et les procédures se sont complexifiées. Avec une réalité : une justice moins accessible, qui n’a plus le temps d’écouter les justiciables. Quand on ne peut pas tout traiter, tout juger, il faut faire des choix, faire des procédures rapides. On doit parfois adopter un mode de réponse pénale dégradé. Cela a pu susciter ce sentiment de laxisme judiciaire.

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