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Un apéro avec Eric Halphen : « Le meilleur compliment que l’on m’ait fait, c’est “Vous êtes un drôle de juge” »

Eric Halphen, à la brasserie Le Select, Paris 6ᵉ, le 26 janvier.

Quand on a proposé à Eric Halphen de prendre un apéro avec Le Monde, il nous a donné le choix entre deux institutions de la rive gauche à Paris : Le Rostand ou Le Select. Finalement, ce sera la deuxième option. Une brasserie qu’il connaît depuis l’époque où, étudiant, il venait de Versailles pour suivre les cours de la faculté de droit de la rue d’Assas, à un jet de pierre. Le café se trouve entre la gare et l’université. « Je viens ici depuis très longtemps, je n’habite pas loin. J’ai toujours aimé le quartier du Montparnasse », lance-t-il, ce soir froid de janvier, devant un verre de chablis, des ramequins d’olives et de bretzels pour accompagner. On commande la même chose.

Quand l’auteur de ces lignes a rencontré pour la première fois le juge Halphen, il y a vingt ans, c’était déjà autour d’un verre (de champagne). Le lieu n’était pas une brasserie, mais l’atelier d’architecte de Roland Castro. L’ancien soixante-huitard lançait alors un Mouvement de l’utopie concrète et avait embarqué dans cette aventure des intellectuels, des activistes, des étudiants, des artistes et, donc, un ancien juge d’instruction en disponibilité.

Une vraie célébrité, le juge Halphen, à l’époque. Une figure de la lutte anticorruption. Quelques mois plus tôt, il avait cofondé l’association Anticor. Mais, surtout, il sortait lessivé de l’enquête sur l’affaire des HLM de la Ville de Paris. Une histoire tortueuse, aux nombreuses péripéties. Des exemples ? Quand Eric Halphen a voulu perquisitionner le domicile du maire de Paris, le gaulliste Jean Tiberi, les policiers ont refusé de l’assister. Le juge ira même jusqu’à convoquer le président de la République, Jacques Chirac, comme simple témoin. Il finira par être dessaisi.

« Pas de rancune »

Halphen racontera cette période charnière de sa vie dans un livre à succès, Sept ans de solitude (Denoël, 2002). « J’ai été en disponibilité entre 2002 et 2007. J’ai vécu mon dessaisissement comme une véritable injustice. Personne ne me savait gré de tout le travail que j’avais fait. Je voulais démissionner, je ne voulais pas revenir, confie-t-il. Je me suis retrouvé seul. C’était hyperdur. Ça m’a fait du mal. » Dans cette histoire, sa femme est partie, les proches du RPR, l’ancêtre du parti Les Républicains, ont dit pis que pendre sur lui, ternissant sa réputation. Le juge Halphen a payé le prix fort. Pour autant, il assure qu’il n’a « pas de rancune » : « Je suis optimiste de nature », jure-t-il.

Au sortir de « l’affaire », il tâtonne, il hésite. Il tente la politique, au côté de Jean-Pierre Chevènement, en 2002, mais ne réussit pas à se faire élire député. Pour un certain nombre d’électeurs de gauche, le « Che » aurait chipé des voix à Lionel Jospin, empêchant le socialiste de se qualifier au second tour de l’élection présidentielle. A sa place, c’est Jean-Marie Le Pen, le président du Front national (FN), l’ancêtre du Rassemblement national, qui affrontera Jacques Chirac. Les candidats chevénementistes seront balayés aux législatives qui suivront, Eric Halphen parmi eux. Ce dernier retentera l’aventure politique quinze ans après, en 2017, toujours aux élections législatives, toujours dans l’idée de dépasser le clivage droite-gauche, mais dans les rangs macronistes. Encore une fois sans succès.

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