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Mayotte : pour Laurent Fabius, la suppression du droit du sol pose « la question de l’indivisibilité » de la République

Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, quitte l’Elysée après la cérémonie de prestation de serment du dernier membre nommé du Conseil constitutionnel, le 8 mars 2022.

Le président du Conseil constitutionnel a estimé, mercredi 14 février, que la suppression du droit de sol à Mayotte, que le gouvernement a annoncé dans le cadre d’une future réforme constitutionnelle, posait la question « de l’indivisibilité de la République ». Interrogé mercredi à ce sujet sur Franceinfo, Laurent Fabius a, en effet, répondu qu’il faudrait voir ce que ce texte « pose comme problème par rapport à l’indivisibilité de la République ».

« Parce que, on dit que la situation de Mayotte est spécifique, il faut un texte spécifique. Mais, en même temps, la République est une et indivisible », a-t-il rappelé. Avant d’ajouter : « Donc comment est-ce que ça se concilie ? Je ne donne pas la réponse aujourd’hui, mais évidemment, c’est une des questions. » Selon l’article 89 de la Constitution, une révision constitutionnelle nécessite un accord des deux chambres (Assemblée et Sénat) avant une adoption par une majorité de trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès ou par référendum.

M. Fabius a cependant rappelé que le Conseil constitutionnel n’était « pas consulté » lors d’une révision de la Constitution. Dans sa jurisprudence, le Conseil considère que le « pouvoir constituant » (parlementaires ou peuple) est « souverain », et donc qu’il n’a pas à contrôler la constitutionnalité d’une loi constitutionnelle. L’article 89 introduit seulement deux limites : « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision » et « aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».

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Changement de préfet

Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé dimanche un projet de révision de la Constitution pour supprimer le droit du sol dans le département français de l’océan Indien confronté à une grave crise migratoire ainsi qu’à un climat social et sécuritaire explosif, expliquant que ce droit est facteur d’attraction pour les émigrés venant des Comores voisines.

En pleine crise, l’exécutif français a par ailleurs décidé de changer le préfet de ce 101département français en nommant mercredi en conseil des ministres François-Xavier Bieuville en remplacement de Thierry Suquet, en poste depuis juillet 2021. Dans un message posté sur X, le ministre de l’intérieur, Gérard Darmanin, « remercie chaleureusement le préfet Thierry Suquet pour son action à Mayotte et son engagement remarquable au service des Mahorais ».

« Je sais », écrit M. Darmanin, « qu’il poursuivra ses missions dans le Vaucluse avec le même sens de l’intérêt général ». Son successeur, François-Xavier Bieuville, était jusque là sous-préfet de Dunkerque, la région du ministre de l’intérieur.

Ce changement de préfet à Mayotte intervient quelques jours après une visite éclair de M. Darmanin dans l’île en grande crise, ce qui est interprété localement comme un limogeage. Depuis trois semaines, des collectifs de citoyens érigent des barrages sur les routes pour protester contre l’immigration irrégulière et l’insécurité.

Remise « en question de l’appartenance » de l’île à la France, selon les Comores

Le gouvernement comorien a par ailleurs réagi mercredi à l’annonce du gouvernement. « On est en droit de se demander si la volonté affichée de supprimer le droit du sol à Mayotte ne serait pas, enfin, le début d’une remise en cause de la soi-disant appartenance de l’île de Mayotte à la France », a réagi le ministère des affaires étrangères, dans un communiqué diffusé tard mardi.

La mesure prévue par le gouvernement français, circonscrite au territoire de Mayotte, « remet en cause l’histoire de la France et des principes qui fondent la République », abondent les Comores, qui revendiquent l’île restée dans le giron français, alors qu’en 1975 Moroni a choisi l’indépendance.

Mayotte compte 310 000 habitants, selon l’Institut de la statistique et de études économiques (Insee) – un chiffre largement sous-estimé, selon la chambre régionale des comptes – dont 48 % d’immigrés comoriens et d’autres pays d’Afrique. La plupart arrivent clandestinement sur le territoire français à bord de barques de pêche traditionnelles de l’île comorienne d’Anjouan, distante de 70 kilomètres. Beaucoup s’installent ensuite dans des bangas (cases) insalubres des bidonvilles.

Une situation, qui depuis nourrit les tensions entre Paris et Moroni, maintenue, selon les Comores, « au mépris du droit international et des résolutions pertinentes de l’ONU ». « Les Comores ne cesseront jamais de revendiquer Mayotte », a répété le ministère des affaires étrangères comorien dans son communiqué. Situé à l’embouchure du canal du Mozambique, l’archipel est composé des trois îles Grande-Comore, Anjouan et Mohéli.

Le Monde avec AFP

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