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Le PS en dissonance avec les classes populaires à l’approche des élections européennes

Le député socialiste de l’Eure Philippe Brun, à l’Assemblée nationale, le 8 novembre 2022.

Attablé dans un café proche de l’Assemblée nationale, le député de l’Eure, Philippe Brun, semble désabusé, ce jeudi 8 février. Il sait la cause perdue. Le soir même, les militants valideront la liste aux élections européennes des candidats socialistes, sans avoir tenu compte de sa revendication, celle de mieux représenter les ouvriers et les employés. « C’est un immense aveu d’échec, c’est comme une liste sans femmes », se désole-t-il. Quelques jours plus tôt, l’élu de 32 ans, lui-même énarque, avait claqué la porte de la direction du parti et de la Convention Retrouvons le peuple !, censée permettre au Parti socialiste (PS) d’élaborer un plan pour reconquérir un électorat qui a déserté le parti, parfois au profit de Marine Le Pen.

Faut-il faire partie des classes populaires pour les représenter ? La question est presque aussi vieille que le PS. En 1979, François Mitterrand considérait au congrès de Metz, qu’il y avait à l’Assemblée nationale « trop de fonctionnaires, pas assez d’ouvriers ». Plus de quatre décennies plus tard, le débat se poursuit. Mardi 13 février, l’élue régionale du Nord, Sarah Kerrich, qui coanime depuis huit mois la fameuse Convention Retrouvons le peuple !, présentera – sans M. Brun –, devant le bureau national du PS, la première mouture d’un « manifeste », fruit de huit mois de travaux. Objectif affiché, en finir avec les « errements du passé », en soldant l’héritage de la note de 2011 de Terra Nova, qui conseillait au PS d’abandonner les ouvriers pour se concentrer sur les diplômés, les jeunes et les minorités.

Pas question pour autant de créer des quotas. La jeune avocate de Lille s’oppose, comme de nombreux cadres, à la « parité populaire » proposée par M. Brun, qui consisterait, selon sa proposition, à réserver 40 % des investitures aux ouvriers et aux employés. Olivier Faure lui-même se montre frileux à cette idée. « Les classes populaires ne demandent pas à être représentées par des ouvriers. Elles veulent qu’on s’intéresse à leur dossier », dit le premier secrétaire du parti, qui rappelle que « le PS a perdu [cet électorat] quand Pierre Bérégovoy [un ancien ouvrier] était premier ministre ». « C’est le contraire du socialisme », renchérit Pierre Jouvet, numéro deux du PS, en troisième place sur la liste aux européennes, qui rappelle que « Léon Blum, Jean Jaurès et François Mitterrand » n’étaient pas des « prolétaires ».

« Une erreur politique »

Pourtant, la désaffection des ouvriers et des employés pour la politique en général et la gauche en particulier s’explique, au moins en partie, par son manque de représentativité, selon le politologue Rémi Lefebvre. « [Face à un élu,] les gens se disent : “Est-ce que je peux lui faire confiance, est-ce qu’il est de mon monde ?” », justifie le chercheur. Alors qu’à une époque les syndicats pouvaient créer des ponts avec les partis, la professionnalisation de la vie politique, au PS et ailleurs, en rend l’accès difficile pour cette classe sociale. « Le meilleur moyen d’être élu, c’est d’avoir bossé pour un élu, et donc de vivre de la politique », admet Luc Broussy, proche d’Olivier Faure. Le parcours classique consiste, après des études supérieures, à devenir assistant parlementaire ou conseiller en cabinet, avant de briguer une investiture. Cette dérive, admet l’ancien président du conseil national du PS, donne une « prime à celui qui est là du matin au soir » et qui « passe son temps à manœuvrer ». Sans qu’elle s’applique, selon lui, à la liste de son parti.

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