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Inscription de l’IVG dans la Constitution : la commission des lois du Sénat « ne s’oppose pas », malgré des réserves

C’est un premier pas vers l’adoption du texte dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée, dans un hémicycle pourtant divisé au sujet même de cette réforme constitutionnelle. La commission des lois du Sénat a décidé de « ne pas s’opposer » à l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, malgré « un certain nombre d’irritants » qui seront débattus en séance publique fin février, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP), la rapporteuse du texte, Agnès Canayer.

« La commission a décidé de ne pas s’opposer à la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse et prend acte du texte qui est proposé par le gouvernement », a expliqué la sénatrice rattachée au groupe Les Républicains (LR). « A cette étape-là, nous ne sommes pas défavorables mais la rédaction proposée a encore un certain nombre d’irritants et nous aurons le débat en séance », a-t-elle toutefois nuancé.

Après l’adoption très large du projet gouvernemental à l’Assemblée nationale fin janvier, cette position du Sénat et de sa majorité de droite et du centre est un signal fort, même si l’examen du texte dans l’hémicycle le 28 février, et le vote qui aura lieu à son issu, reste encore indécis en raison de certaines réticences.

L’enjeu d’une adoption du texte dans les mêmes termes

Si l’hypothèse d’un rejet pur et simple du texte s’éloigne, le Sénat votera-t-il au mot près la constitutionnalisation d’une « liberté garantie » à l’IVG, comme l’espère l’exécutif ? Ou choisira-t-il une nouvelle formulation du projet de loi constitutionnelle, qui obligerait alors les députés à se pencher à nouveau sur le sujet ?

Seule une adoption conforme du Sénat ouvrira la voie à un Congrès réunissant tous les parlementaires. Il faudra alors dégager une majorité des trois cinquièmes pour valider définitivement cette réforme constitutionnelle. La date du 5 mars pour le Congrès, avancée fin 2023 par l’exécutif, paraît donc encore très incertaine et le gouvernement se garde bien de la remettre sur la table.

Le président de la République, Emmanuel Macron, n’y a pas fait référence dans un courrier envoyé la semaine dernière aux chefs de partis politiques, où il a souhaité « qu’un accord puisse être trouvé » sur « ce texte d’équilibre » afin qu’il puisse convoquer le Congrès « dans les meilleurs délais ».

 « Nous prendrons le temps qu’il faut », avait confirmé mardi le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, se disant lui-même « pas pressé », pour tenter de choyer les sénateurs. Le garde des sceaux, qui sait l’initiative soutenue par l’ensemble de la gauche et de la majorité, a tout de même pris soin d’interpeller la droite : « Le temps n’est-il pas venu de consacrer cette liberté tous ensemble ? Cela aurait beaucoup d’allure. »

Liberté de vote à droite et au centre en raison des divisions

Mais l’influent président du Sénat, Gérard Larcher (LR), avait semé le trouble ces derniers jours en rappelant haut et fort son opposition à la constitutionnalisation de l’IVG. « L’IVG n’est pas menacée dans notre pays. Si elle était menacée, croyez-moi, je me battrais pour qu’elle soit maintenue. Mais je pense que la Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux », avait déclaré l’élu fin janvier. Avant d’ajouter : « Par tradition [en tant que président du Sénat], je ne vote pas, mais je vous donne un avis très personnel. »

Pourtant, le Sénat a déjà approuvé, en février 2023, un texte consacrant dans la Constitution la « liberté » de la femme à « mettre fin à sa grossesse ». Mais la notion de « garantie » n’y figurait pas : elle heurte et divise au sein de la droite. Ce débat sémantique risque de cristalliser les discussions le 28 février, avec de potentiels amendements. D’autres sénateurs avancent aussi l’hypothèse d’inscrire d’autres mesures dans la Constitution comme la clause de conscience des médecins, pour « rééquilibrer » le projet.

« Cela finira par passer », a toutefois reconnu ces derniers jours Hervé Marseille, le chef des centristes, alliés de la droite au Sénat. Celui-ci laissera comme à son habitude une « liberté totale » à ses troupes sur ce projet, bien qu’il s’y oppose personnellement.

Même liberté chez LR, où le chef de file, Bruno Retailleau, hostile lui aussi au texte, n’imposera « pas de ligne » politique à ses membres « sur ce sujet qui engage la conscience personnelle de chacun », a-t-il expliqué à l’AFP. Avant d’insister : « Le gouvernement ne peut pas nous imposer un calendrier au mépris du débat parlementaire. » A l’Assemblée, le groupe LR s’est divisé lors du scrutin avec 40 votes pour, 15 contre et 4 abstentions.

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La gauche et la majorité présidentielle, de leur côté, plaideront sans relâche pour faire adopter la version gouvernementale dans les mêmes termes.

Le Monde avec AFP

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