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Suppression du droit du sol à Mayotte : comment et pourquoi modifier la Constitution ?

Le président Emmanuel Macron reçoit, lundi, les ministres de l’Intérieur et des Outre-mers, Gérald Darmanin et Marie Guévenoux, de retour de Mayotte, pour discuter de la réforme constitutionnelle visant à supprimer le droit du sol dans le département français de l’océan Indien, en proie à une colère des habitants contre l’insécurité et l’immigration incontrôlée.

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C’est un casse-tête politique. Pour supprimer le droit du sol à Mayotte, département français – sans risquer une censure du Conseil constitutionnel –, le président Emmanuel Macron a choisi de passer par une révision de la loi fondamentale. Mais son adoption nécessitera a minima un accord avec la droite qui peut être tentée de faire monter les enchères sur l’immigration.

 

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Pourquoi réviser la Constitution ?

Depuis 2018, le droit de la nationalité est déjà dérogatoire à Mayotte. La possibilité de devenir Français lorsqu’on a deux parents étrangers (à la majorité ou à partir de 13 ans sur demande) est conditionnée à ce que l’un des parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière depuis trois mois sur le territoire français.

Le Conseil constitutionnel avait validé cette différence de traitement en s’appuyant sur l’article 73 de la Constitution qui autorise des adaptations de la loi pour les collectivités d’outre-mer, compte tenu des caractéristiques de l’archipel confronté à des flux migratoires importants.

Mais, avec une suppression du droit du sol, « on basculerait d’une simple dérogation à une division complète du droit de la nationalité en France selon le lieu de naissance », a commenté, sur X, Jules Lepoutre, professeur de droit à l’université Côte d’Azur.


En conséquence, si ce changement était adopté par une loi ordinaire, le Conseil constitutionnel pourrait l’estimer contraire « aux principes d’indivisibilité de la République et d’égalité devant la loi » ou/et considérer que le droit du sol, qui a été consacré en France au XIXe siècle, fait partie des « principes fondamentaux » de la République. 

En passant par une révision de la Constitution, le gouvernement évite ainsi toute éventuelle censure des Sages qui ne statuent pas sur une loi constitutionnelle.

Comment réviser la Constitution ?

La révision de la Constitution se faisant à l’initiative de l’exécutif, celui-ci doit d’abord présenter un projet de loi. Comme il l’a déjà fait sur deux autres sujets : l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et la Nouvelle-Calédonie.

Le texte est ensuite soumis, au minimum 6 semaines plus tard, au vote de l’Assemblée ou du Sénat. Puis à celui de la seconde chambre, après un nouveau délai d’au moins 4 semaines.

Les deux hémicycles doivent approuver une version identique, à la virgule près, faute de quoi les débats repartent pour un tour. Ni cette « navette » parlementaire, ni le droit d’amendement des élus n’étant limités, « il n’y a pas de chronomètre » comme l’a résumé le spécialiste Benjamin Morel sur France 2.

Si députés et sénateurs trouvent un accord, le chef de l’État peut ensuite le soumettre au référendum, option souhaitée par la droite et l’extrême droite sur la question migratoire. 

Mais il semble peu probable qu’Emmanuel Macron décide de consulter l’ensemble des Français sur une situation locale. Il devrait plutôt choisir de saisir le Parlement, convoqué en Congrès. Dans ce cas, une majorité des 3/5e est requise pour valider la réforme, soit 555 voix si les 925 parlementaires votent tous pour ou contre, seuls les suffrages exprimés étant pris en compte.

Avec qui s’appuyer pour réviser la Constitution ?

Mathématiquement, un vote conforme du Sénat, dominé par la droite et le centre, et de l’Assemblée nationale, tout comme la majorité des 3/5e au Congrès, semblent possibles avec le soutien des parlementaires LR et RN.

La gauche a déjà annoncé qu’elle s’opposerait à une révision, à la fois parce qu’elle ne pense pas que le droit du sol soit la cause de l’émigration des Comores vers Mayotte mais aussi au nom de « l’égalité des droits » pour Alexis Corbière (LFI) et par crainte « de l’ouverture d’une boîte de Pandore » pour Boris Vallaud (PS).

La droite pourrait de son côté monnayer son accord au Sénat à une modification plus large de la Constitution pour prendre sa revanche après la large censure du Conseil constitutionnel de la loi immigration. « Nous devons supprimer le droit du sol partout sur le territoire national ! », a réclamé Éric Ciotti (LR).

Les parlementaires de droite peuvent aussi dire « je vote pour Mayotte si on limite le regroupement familial… », souligne Benjamin Morel. « In fine, tout le monde peut avoir une bonne raison de voter contre : la gauche parce qu’on porte atteinte à un principe fondamental, la droite parce qu’on devrait aller plus loin », résume-t-il.

Sur le terrain

Mayotte restait, lundi, largement bloquée. Les barges qui relient Grande-Terre et Petite-Terre étaient toujours à l’arrêt et les barrages en place depuis le 22 janvier aux quatre coins du territoire. « Il est hors de question de lever les barrages pour le moment », a déclaré dans la matinée à l’AFP Safina Soula, la présidente d’un des collectifs de citoyens. « Nous nous sommes mis d’accord avec le ministre, nous attendons des écrits », a-t-elle précisé. « Nous lui laissons jusqu’à mercredi pour recevoir ce courrier (…) nous verrons si le contenu est conforme à nos attentes ».

 

Dimanche, Gérald Darmanin a précisé qu’un courrier d’engagement sur la révision constitutionnelle destinée à supprimer le droit du sol devait être envoyé dès le début de cette semaine au collectif des « forces vives », qui pilote le mouvement, et aux élus locaux.

 « J’ai cru comprendre qu’après avoir reçu ce courrier, les barrages seraient levés », a-t-il anticipé.

 

Avec AFP


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