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« Les préfixes “re” et “dé” sont les figures de proue d’une volonté de duplication de la France d’avant et de ses éléments de langage »

Le discours politique se renouvelle et se répète. Depuis quelque temps, le parti présidentiel et ses tenants semblent diminuer la fréquence de leurs anglicismes. Une stratégie des affixes – le terme grammatical rassemblant préfixes, suffixes et infixes, les gouvernails du sens – est en marche.

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Le président de la République, lors de sa longue conférence de presse du 16 janvier, a employé de nombreux mots en « re- ». « Réarmement » apparaissait à trois reprises ; l’oreille alerte et l’analyse lexicométrique indiquent également, sous diverses formes, huit « retrouver », neuf « revenir », quatre « reprendre », trois « renforcer »…

Un penchant certain pour ce préfixe dont témoigne, en 2022, le changement de nom du parti présidentiel de La République en marche ! pour celui de Renaissance. On peut remonter en 2017, au livre-programme du candidat Emmanuel Macron intitulé Révolution. Ce « re- » du président, comme la promesse d’un bond pour le futur du pays, prend son appui en arrière, « pour que la France reste la France », un faux avenir, un retour vers le passé, soutenu dans un discours de la perte et de la disparition. Lors de la nomination de Gabriel Attal, il affirmait pouvoir compter sur lui pour « mettre en œuvre le projet de réarmement et de régénération ».

Le pas de deux des préfixes

Le premier ministre s’est montré encore plus direct, le 30 janvier, lors de son discours de politique générale, en se fixant un cap de trois « dé- » : « désmicardiser », « débureaucratiser », « déverrouiller ».

Le préfixe « dé- » est double. Derrière cette même syllabe se découvrent deux morphèmes. Ceux-ci descendent de deux préfixes latins distincts, respectivement « dis- » et « de- ». Le premier s’adjoint aux mots pour en exprimer la privation, la négation, le contraire… Le second exprime le renforcement d’une action l’augmentant, l’intensifiant – il donne « définition », « dédoublement », « détermination », « démonstration »… Gabriel Attal fait appel au premier « dé- », un macronisme plus enclin à défaire qu’à parfaire ou créer. Ces rimes par l’avant confèrent une apparence de lisibilité au discours politique, formulent une offre prétendument claire, marketée, de renouveau. Elles génèrent une opacité qui masque la nature véritable du projet, conservateur et libéral, de détricotage et de régression.

Un autre « re- » existe, du res latin, « chose », qui, lui, n’est pas un affixe, mais un radical. Il donne « république » ou « réalité ». Une autre manière de parler du bien public, au-delà des postures à préfixes.

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