Close

Pesticides : la « mise à l’arrêt » du plan Ecophyto contraire à la justice, selon les spécialistes du droit de l’environnement

 Manifestations d’agriculteurs bio à Paris, le 7 février 2024.

« Criminel », « désastreux », « contresens total »… L’annonce de la suspension du plan Ecophyto pour calmer la colère des agriculteurs, le 1er février, a suscité une vague d’indignation chez les écologistes et la gauche, parmi les organisations de défense de l’environnement ainsi que les associations de riverains d’exploitations agro-industrielles. Mais le gouvernement peut-il « mettre en pause » ce plan, dont la dernière déclinaison, toujours en discussion, visait à réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2015-2017 ? Plusieurs juristes spécialisés en droit de l’environnement en doutent fortement.

Cette annonce se heurte en effet à une décision de justice qui s’impose au gouvernement. Dans un jugement rendu le 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a enjoint à l’exécutif de prendre toutes les mesures utiles pour atteindre les objectifs de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires prévus par les plans Ecophyto. « Cette pause est en totale contradiction avec ce jugement. Mettre en pause une décision de justice n’est pas possible, fût-ce par le gouvernement », commente Dorian Guinard, maître de conférences en droit public à l’université Grenoble-Alpes et membre de Biodiversité sous nos pieds, une des cinq organisations (avec Pollinis, Notre affaire à tous, l’Association pour la protection des animaux sauvages et l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières) à l’origine du recours déposé contre l’Etat pour « carences fautives ».

Si pause il devait y avoir, elle devrait alors être de (très) courte durée. Le juge administratif a en effet fixé un ultimatum à l’Etat : il lui a donné jusqu’au 30 juin pour « réparer le préjudice écologique, prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto et (…) restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques ».

Le gouvernement a fait appel du jugement (sans effet suspensif). Il insiste sur l’échec des plans Ecophyto successifs. Lancé en 2008 dans la foulée du Grenelle de l’environnement, le premier plan visait déjà à réduire de 50 % en dix ans l’usage des herbicides, fongicides et autres insecticides. Aucune baisse n’ayant été réellement amorcée en 2015, le plan est converti en plan Ecophyto II, reportant l’échéance à 2025. En 2018, c’est au tour du plan Ecophyto II+ de prendre le relais, fixant cette fois l’horizon d’une baisse de moitié à 2030 et une sortie du glyphosate « au plus tard » en 2022. L’objectif étant toujours intenable au regard des trajectoires actuelles, le gouvernement avait mis en consultation le plan Ecophyto 2030 en maintenant l’objectif d’une réduction de moitié en 2030, mais cette fois par rapport à la moyenne 2015-2017, plutôt qu’à la moyenne 2009-2011, prise comme référence par les précédents plans.

Il vous reste 55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top