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Agriculture : définir un modèle soutenable

Il existe donc bien une « exception agricole française ». L’expression employée par Gabriel Attal, lors de son discours de politique générale, a trouvé tout son sens dans les mesures que le gouvernement a annoncées jeudi 1er février pour tenter de résoudre la crise agricole. Celles-ci reprennent en grande partie les cahiers de doléances des principales organisations syndicales, quitte à écorner les engagements écologiques, européens et budgétaires d’Emmanuel Macron. Le premier ministre a réussi son baptême du feu, mais l’efficacité à faire tomber la fièvre dans l’immédiat pourrait laisser des traces sur le plan politique à plus long terme.

Sur le plan agricole, l’« écologie à la française » semble surtout rimer avec un pragmatisme tout-terrain, au risque de brouiller le slogan de la campagne présidentielle de 2022 : « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas ! » Certes, l’agriculture est un domaine où les injonctions contradictoires entre respect de l’environnement, rémunération du producteur et prix au consommateur sont les plus difficiles à concilier. Gagner sur tous les tableaux est impossible. Dès lors, il est indispensable de se fixer des priorités et de s’y tenir.

L’annonce d’une « pause » dans le plan Ecophyto, visant à réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici à 2030, est un coin enfoncé dans une trajectoire qu’il serait dangereux de modifier au gré des contestations sporadiques. La transition écologique réclame constance et ténacité. Les renoncements d’aujourd’hui ne feront que se payer au centuple dans les prochaines décennies.

La crise agricole a également obligé Emmanuel Macron à engager son capital politique sur le plan européen. Alors que les négociations sur le traité de libre-échange avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) sont dans la dernière ligne droite, la France, bien qu’isolée, a obtenu de reporter les échéances.

Crédibilité et cohérence

Le chef de l’Etat a raison d’exiger que des « clauses miroirs » soient imposées aux agriculteurs d’Amérique du Sud, afin qu’ils aient des contraintes équivalentes à celles des Européens. Mais dans son discours est apparue une ambiguïté sur la nécessité pour l’agriculture européenne en général, et française en particulier, de rester ouverte sur le monde. Nos excédents commerciaux sont là pour en témoigner.

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Au moment où l’extrême droite tente de récupérer la colère des agriculteurs en faisant de l’Union européenne la source de tous leurs maux, Emmanuel Macron doit veiller, là encore, à ne pas faire de l’agriculture un domaine d’exception dans sa vision européenne.

Le conflit social a enfin instillé le doute sur la fin, une fois pour toutes, du « quoi qu’il en coûte ». Près de 400 millions d’euros ont été mis sur la table sous forme de subventions et d’aides diverses. Le montant n’a rien d’extravagant, mais en matière budgétaire la crédibilité commence par la cohérence avec la trajectoire fixée.

Au prix de ces renoncements, l’exécutif a réussi à circonscrire l’incendie, sans toutefois résoudre le problème de fond, celui du modèle agricole. L’agriculture française n’est pas assez compétitive. Les coûts de production sont plus élevés qu’ailleurs, et nos produits ne sont pas toujours bien positionnés par rapport à la demande.

Entre des exploitations familiales qui peinent à survivre et l’agro-industrie, il faut trouver une voie qui permette de concilier environnement et productivité. C’est de cela qu’il faut maintenant débattre. « L’agriculture est au-dessus de tout », avance Gabriel Attal. Mais si la valorisation du secteur agricole est louable, cela ne doit pas se traduire par des politiques erratiques, sur le plan aussi bien environnemental qu’économique.

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Le Monde

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