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Colère des agriculteurs : « Du point de vue de la science économique, le but d’un producteur n’est pas de maximiser sa production, mais de maximiser son profit »

Les agriculteurs travaillent énormément, sans compter leurs heures ; ils assurent une production essentielle pour la société, l’alimentation ; pourtant, ils ont de très faibles revenus. Comment est-ce possible ?

Ils ne sont pourtant exploités par personne. Ce sont des entrepreneurs, qui exercent dans des entreprises individuelles ou des petites sociétés de type familial. Leurs revenus sont les bénéfices dégagés par leur entreprise. Comment comprendre qu’un entrepreneur actif, souvent innovant, qui produit pour répondre à une demande réelle, ne parvienne cependant pas à vivre de son travail ?

En plus des causes, pertinentes, régulièrement avancées (formation des prix, politique de subvention de la PAC), il faut signaler un facteur plus rarement abordé. Les agriculteurs évoluent dans un milieu qui exige d’eux de produire toujours plus. Or, en tant qu’entrepreneurs, ce n’est pas forcément leur intérêt. Du point de vue de la science économique, le but d’un producteur n’est pas, en effet, de maximiser sa production, mais de maximiser son profit. Et ce n’est pas du tout la même chose.

L’agriculteur n’est qu’un maillon d’une chaîne économique, avec, en amont, des acteurs qui lui vendent de quoi produire (bâtiments, machines, engrais, produits phytosanitaires) et, en aval, des acteurs qui lui achètent sa production pour la transformer et la commercialiser (coopérative, industrie agroalimentaire, grande distribution). Or, tous l’incitent à produire plus. Et tous ont intérêt à ce que l’agriculteur produise plus.

Se nourrir sur la bête

En amont, parce que, pour produire plus, l’agriculteur doit investir dans de plus grands bâtiments, de plus grandes machines, des races et des semences plus productives, utiliser plus d’engrais, acheter plus d’aliments, ce qui est autant de revenus pour ceux qui fournissent ces biens. Il faut financer ces investissements par l’emprunt, donc payer la banque ; assurer ces investissements, donc payer l’assureur…

En aval, les firmes qui collectent, transforment, distribuent les matières premières agricoles ont de grands marchés nationaux et internationaux où écouler leurs productions : plus les agriculteurs produisent, plus les matières premières agricoles sont bon marché, et plus elles peuvent vendre en quantité et faire du profit. Tout le monde semble donc profiter d’une augmentation de la production de l’agriculteur.

Tout le monde ? Du point de vue strictement économique, il n’est pas toujours de l’intérêt du producteur lui-même de produire plus. Pour une raison simple : passé une certaine taille, les coûts entraînés par une augmentation de la production dépassent les bénéfices que l’on peut attendre de cette croissance. C’est le raisonnement classique introduit par les économistes dits « marginalistes » : pour savoir s’il a intérêt à augmenter sa production, l’entrepreneur compare l’augmentation des coûts que cela engendre avec les recettes supplémentaires qu’il espère en tirer. Et il arrive fatalement un moment où il n’est plus de l’intérêt du producteur de grandir…

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