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Saïd Hammouche, entrepreneur social : « Dans les entreprises, du côté des dirigeants, la diversité est un vrai rendez-vous manqué »

Originaire de Bondy, en Seine-Saint-Denis, Saïd Hammouche a créé en 2007 un cabinet de recrutement, Mozaïk RH, pour faciliter la mise en relation des jeunes diplômés des quartiers populaires, souvent en manque de réseau pour trouver un travail, avec les offres d’emploi des entreprises. Seize ans après le lancement de ce projet précurseur, la diversité est devenue un sujet-clé pour de nombreuses entreprises.

Alors que le secteur privé n’est pas soumis à l’obligation de laïcité, de nombreuses jeunes diplômées portant le voile témoignent de discriminations sur le marché du travail. Comment l’expliquez-vous ?

La discrimination se construit sur le niveau de stéréotypes perçus face à un individu ou à un groupe d’individus. Cela génère du préjugé et déclenche le fait discriminatoire. Ça, c’est la mécanique. Or aujourd’hui, en France, les décideurs et les médias véhiculent une image négative de l’islam qui conforte les préjugés et installe ces jeunes femmes dans des stéréotypes négatifs.

Quand on voit des femmes porter l’abaya ou le voile, on a ce niveau de préjugés qui remonte. Le recruteur ne peut pas être dans une posture objective et ça impacte forcément la décision. Tant qu’on continuera de considérer que l’islam est une religion radicalisée, le fossé continuera de se creuser pour une grande majorité de musulmans qui ne souhaitent pourtant qu’une chose : trouver une place conforme à leurs compétences.

Quelles sont les conséquences pour ces jeunes femmes ?

Soit elles acceptent les postes où on veut bien d’elles : généralement sans relation avec des clients ou des partenaires extérieurs. On pense, par exemple, aux plates-formes téléphoniques ou aux fonctions de back-office. Mais ça signifie qu’elles ne peuvent candidater qu’à une toute petite partie des postes disponibles sur le marché du travail. Soit, autre issue, elles vont se diriger vers des business communautaires. En leur fermant la porte des entreprises, on alimente donc le communautarisme.

Au-delà de la religion, estimez-vous que la diversité socioculturelle a progressé au sein des entreprises françaises depuis que vous avez créé Mozaïk RH, en 2007 ?

Oui, on sent de la part des recruteurs beaucoup plus d’ouverture. C’est très vrai s’agissant de l’ouverture sociale mais plus compliqué pour la diversité ethnoculturelle. Les taux de chômage au sein des populations immigrées ou descendantes d’immigrés sont toujours très élevés. Dans les entreprises, on observe une plus grande diversité à un certain échelon – chez les juniors, les stagiaires ou les alternants –, mais du côté des postes de dirigeants, c’est un vrai rendez-vous manqué. Il y a deux ans, nous avons mené une étude auprès d’une centaine de grandes entreprises cotées en Bourse. Résultat : 3,5 % seulement des membres des comités exécutifs étaient des personnes issues des minorités visibles ou portant un nom à consonance africaine, maghrébine ou asiatique. Parmi les conseils d’administration, c’était 4,2 %.

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