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« Que sait-on du travail ? » : les algorithmes au cœur de la relation entre les demandeurs d’emploi et leurs conseillers

Quatre cents. C’est, en moyenne, le nombre de chômeurs « proches de l’emploi » dont s’occupe un agent du service public de l’emploi français, selon un rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) publié en février 2023. Lorsqu’il s’agit de demandeurs « éloignés de l’emploi », le chiffre tombe à 150, mais le portefeuille moyen d’un conseiller France Travail (ex-Pôle emploi) demeure entre 350 et 400.

Au Danemark et en Allemagne, où le taux de chômage est respectivement de 4,5 % et 3 % en 2022, le nombre de chômeurs suivis tombe à 100 et 115. Ce rapport avance l’hypothèse que plus le chômage est élevé dans un pays, plus le portefeuille des conseillers du service public de l’emploi l’est.

En France, la numérisation de ces nombreux dossiers a bouleversé le métier des conseillers. Dans sa contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr, le sociologue Didier Demazière revient sur cette transition.

Contradictions

Il met en évidence deux types d’appropriation des nouveaux outils.

En premier lieu, face à la croissance du chômage, la numérisation a permis d’améliorer l’efficacité des agents, en leur permettant d’aller plus vite pour remplir les dossiers des administrés, mais aussi en les aidant à la décision. Lors des entretiens, les conseillers ont à leur disposition une série d’étapes-clés suggérées par leur logiciel : actualiser la situation, faire le bilan des démarches de recherche d’emploi, définir les objectifs à atteindre, prescrire un accompagnement, une formation…

Plus tard que dans d’autres pays, des méthodes de profilage en fonction des besoins des chômeurs apparaissent. En fonction de « scores calculés pour chaque demandeur d’emploi sur son projet professionnel, sa recherche d’emploi, la situation du marché du travail ou encore des freins périphériques », l’algorithme suggère un diagnostic personnalisé du demandeur d’emploi, pour faciliter l’interprétation des agents de France Travail.

Mais, pour une partie des conseillers, l’envergure prise par ces suggestions est vue comme un empiètement sur leur autonomie et leurs compétences. Les premières contradictions apparaissent : les questions proposées par l’écran permettent de faciliter l’entretien, mais empêchent un réel dialogue avec le demandeur d’emploi… Qui permettrait pourtant d’obtenir des informations de meilleure qualité, pour que son profilage algorithmique soit plus intéressant.

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