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Polémique Tesson : « Que la poésie entre dans le champ de bataille des idéologies n’est pas mauvais »

Donc la poésie n’est pas morte en France ! Une polémique littéraire sur la nomination de Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des poètes a permis à un ministre de l’économie, à des politiques, qui n’ont peut-être pas tous ouvert depuis longtemps un recueil de poésie, à des journaux, qui n’ouvrent pas tous leurs pages à la critique de recueils poétiques, bref à beaucoup de Français de s’exprimer sur la poésie.

L’auteur de ces lignes, qui écrit de la poésie, dont beaucoup d’amis ont signé la tribune en question et qui déteste que l’on appelle « cafards » ses amis, qui trouve même sinistrement dangereux que de tels mots réapparaissent dans le débat public, qui trouve donc particulièrement injuste le torrent d’insultes qui s’est déversé sur des poètes qui ne donnaient que leur avis, n’a pourtant pas signé la tribune en question.

Il l’a trouvée faible sur la forme et inquiétante sur le fond. Sans autre justification que le sentiment de l’indignation, sans autre attention à la précision du texte que le fait qu’il soit écrit en point médian, dans des phrases pompeuses qu’aucun éditeur signataire de la tribune n’aurait éditées pour sa propre maison, un homme était dénoncé par deux mille poètes, éditeurs, libraires.

Stupéfiante caricature

Quitte à attaquer quelqu’un, autant le faire avec finesse, précision, détachement. L’art de la guerre des idées. Sylvain Tesson est évidemment attaquable. Il n’est ni « prince des poètes » (je crois avoir entendu cette sornette), ni vieux sage. Il tient des propos que l’on peut contester. Il est ambigu et joue de cette ambiguïté. J’aurais par exemple envie de lui poser une question simple qui résume pour moi sa propre contradiction : pensez-vous que « c’était mieux avant », ou pensez-vous que « c’est mieux ailleurs » ? De cette réponse se dessine par exemple une cartographie politique…

Polémique il y eut, donc, et ce fut heureux. Rien de pire que l’insignifiance pour la littérature. Que la poésie entre dans le champ de bataille des idéologies n’est pas mauvais. Et si les poètes jouent leur rôle de poètes, c’est-à-dire s’ils parlent et écrivent en tremblant, en faisant attention à l’effet d’un mot, au poids d’une virgule, s’ils sont en politique ces artisans du mot qu’ils sont dans leur texte, cela ne pourra qu’enrichir le débat public, aujourd’hui tombé dans une stupéfiante caricature. Quand ils sont comme tout le monde, hurlant des slogans, renforçant la violence, criant à la démission de la directrice du Printemps des poètes, et l’obtenant, en réalité,  ils se banalisent, et la poésie n’a rien à dire en tant que telle, dans sa lucidité inquiète et attentive.

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