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Agriculture : les écueils d’une nécessaire adaptation

Cinq mois avant les élections européennes de juin, la colère des agriculteurs met plusieurs gouvernements sous pression. Le mouvement de protestation s’exprime en Allemagne, en Pologne, en Espagne, aux Pays-Bas, en Roumanie, et en France où il a pris un caractère particulièrement dramatique après la mort d’une éleveuse et de sa fille, percutées le 23 janvier par une voiture sur un barrage d’agriculteurs en Ariège.

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Les griefs ne sont pas toujours les mêmes, mais ils traduisent la même difficulté à faire vivre le Pacte vert européen, ce nouveau modèle agricole censé concilier la défense de l’environnement et de la biodiversité avec le maintien d’une agriculture diversifiée capable d’assurer la sécurité alimentaire de 500 millions d’Européens.

Alors que la crise énergétique et la guerre en Ukraine ont renchéri les coûts de production, une partie des agriculteurs redoutent de perdre des revenus en s’engageant dans une mutation de leur mode de production. Le malaise est aussi existentiel : ces paysans ont l’impression que la transition en cours décourage les vocations et les marginalise de plus en plus.

En France, le conflit prend l’allure d’un baptême du feu pour le nouveau premier ministre, Gabriel Attal, qui n’a pas encore prononcé sa déclaration de politique générale et doit gérer sa première urgence sociale. Parti d’Occitanie, le mouvement, qui s’est étendu depuis, exprime le ras-le-bol d’exploitants qui fustigent l’inflation des normes environnementales, les tracasseries administratives, la faiblesse des revenus, la hausse des charges ou encore le manque de soutien public.

Les contradictions de la transition écologique

Face à ces revendications protéiformes, Gabriel Attal a beaucoup consulté, témoigné de sa considération pour une profession en plein désarroi et promis des ajustements aux niveaux national et européen. Le principal engagement consiste à alléger drastiquement les normes et à compenser au plus près des demandes le relèvement progressif de la fiscalité sur le gazole non routier.

La crise est particulièrement difficile à résoudre car elle renvoie aux contradictions de la transition écologique. En dépit des déclarations d’intention, inciter à produire différemment sans décourager le producteur ni grever la facture du consommateur ne va pas de soi, a fortiori dans un modèle ouvert où les importations en provenance de pays tiers ne sont pas soumises aux mêmes normes.

L’absence totale de consensus sur le sujet n’incite guère à l’apaisement. La guerre ouverte entre les écologistes et les agriculteurs autour des retenues collinaires ou de l’utilisation des produits phytosanitaires, la volonté non moins ouverte du Rassemblement national de récupérer la colère agricole pour contester le Pacte vert et plus généralement la politique européenne contribuent à polariser le débat. C’est d’autant plus dangereux que l’extrême droite a le vent en poupe dans de nombreux pays de l’Union européenne.

Dans ce contexte, la riposte passe d’abord par une pleine reconnaissance de la place des agriculteurs dans le nouveau modèle de développement : reconnaissance du rôle essentiel qu’ils y jouent et ajustements pragmatiques dans l’application du Pacte vert. Elle passe aussi par une meilleure pédagogie autour du projet que l’Europe défend : un modèle écologiquement plus vertueux, mais qui reste ouvert sur le reste du monde, à rebours du projet lepéniste marqué à la fois par le déni du choc climatique et le repli sur soi.

Le Monde

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