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La géostratégie du macaque ou les enjeux de souveraineté scientifique et médicale

On les sent avant même de les voir. En ce piquant matin de janvier, l’odeur fauve des macaques s’insinue dans le fort Foch, à Niederhausbergen (Bas-Rhin). C’est l’une des quatorze forteresses construites dans les années 1870 par les Prussiens pour sécuriser la périphérie de Strasbourg. Un siècle plus tard, à l’initiative du primatologue Nicolas Herrenschmidt (1947-2022), des primates y ont été installés en semi-liberté. Plusieurs colonies de macaques de Tonkean, de capucins et de lémuriens y sont à demeure dans des parcs arborés, et font l’objet d’études de longue haleine en éthologie.

Le fort sert aussi, depuis trente ans, de lieu de quarantaine et de transit pour des primates non humains (PNH) destinés à la recherche expérimentale, publique et privée, en France et dans d’autres pays européens. « C’est le point d’entrée de 15 % des PNH en Europe », explique Pascal Ancé, directeur de cette plate-forme de soutien à la recherche, Silabe, qui dépend de l’université de Strasbourg.

Un poste stratégique pour suivre une bataille géopolitique à l’échelle mondiale, qui met aux prises une Chine toute-puissante, des Etats-Unis sur la défensive et une Europe dans les limbes. L’enjeu n’est pas l’accès aux terres rares ou au pétrole, mais au carburant méconnu et raréfié de la recherche en biomédecine : nos cousins PNH, sur lesquels doit être testée la quasi-totalité des traitements médicaux, et dont dépend la santé d’aujourd’hui et de demain. La rareté a fait exploser les prix, pour parfois dépasser les 30 000 euros par tête en 2023 – « C’était 3 000 il y a cinq ans », rappelle Pascal Ancé.

Sept semaines de quarantaine

Tapie dans la campagne alsacienne, la forteresse pourrait sembler à l’abri du bras de fer en cours. Parmi les quelque cinq cents pensionnaires passant chaque année par Niederhausbergen, on compte des macaques à longue queue (Macaca fascicularis), « l’espèce la plus utilisée en recherche », indique Pascal Ancé. Il y a aussi le macaque rhésus, prisé par les neuroscientifiques, des singes vervets importés de la Barbade, très utilisés dans la recherche contre le sida. Et enfin des ouistitis, pour lesquels Silabe dispose de son propre élevage. Mais aucun grand singe, chimpanzé, orang-outan ou bonobo, sur lesquels la recherche est interdite.

Qu’ils viennent d’Asie ou de l’île Maurice, les macaques destinés à la recherche subissent d’abord une quarantaine de sept semaines, le temps de s’assurer de leur bon état sanitaire. Ils sont isolés par deux dans des locaux fermés, dont l’air intérieur est filtré et où les soigneurs ne pénètrent qu’en tenue de protection intégrale, avec des masques respiratoires renforcés.

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