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Un apéro avec Olivier Rousteing : « On est encensé un jour, oublié le lendemain. Il n’y a plus la bienveillance d’autrefois pour les couturiers »

Olivier Rousteing, dans le restaurant Anahi, Paris 3ème, le 15 décembre 2023.

Les trentenaires dont la vie a déjà fait l’objet d’un biopic, qui se déplacent en Bentley conduite par un chauffeur, possèdent le « 06 » de Rihanna et de Beyoncé sont rares. On pourrait aussi supposer qu’ils ne sont pas très accessibles. Pour en arriver là si tôt dans la vie, ne faut-il pas être impitoyable, un monstre glacé d’efficacité du genre Anna Wintour (qui elle, n’a eu sa biographie qu’à 73 ans) ?

« Je suis trop content d’être là ! », s’enthousiasme Olivier Rousteing lorsqu’il arrive au restaurant parisien Anahi, vide en ce vendredi après-midi de décembre. Il embrasse comme du bon pain Carmen, la patronne, dit oui au bloody mary, instagramme le cocktail photogénique aussitôt servi. Quand Beyoncé résonne dans les enceintes du restaurant, Olivier Rousteing quitte sa pose de beau garçon incandescent, ses bras se lèvent dans les airs, son corps se laisse porter par le beat de Summer Renaissance. « Non mais, sérieux, on adore ! »

Olivier Rousteing, 38 ans, est sympathique et avenant – deux qualités rares pour un directeur artistique d’une grande maison de mode. Depuis 2011, il pilote Balmain, griffe parisienne fondée par Pierre Balmain en 1945, rachetée en 2016 par le groupe qatari Mayhoola. Une telle longévité à ce poste est exceptionnelle, la plupart des designers ayant l’habitude de valser après quelques années.

« On ne leur laisse pas le temps de s’exprimer, et c’est dommage », déplore Olivier Rousteing, maintenant sagement attablé, qui a demandé à ce que l’on éteigne Beyoncé pour le confort de l’interview et a rangé son portable. « On est encensé un jour, oublié le lendemain. Il n’y a plus la bienveillance d’autrefois pour les couturiers que je vois dans les livres d’histoire de la mode. »

Proposition stylistique maximaliste

Il s’exprime en touchant régulièrement ses cheveux longs et nattés qui lui tombent devant les yeux mais qu’il se refuse à caler derrière les oreilles. Des anglicismes ponctuent ses phrases, il s’en excuse, tente d’y remédier. Il répond aux questions de manière structurée, en divisant sa pensée en deux ou trois points qu’il annonce avant de les détailler. Il est concentré au point de ne pas remarquer quand une rondelle de citron s’échappe de son bloody mary pour atterrir sur son bras.

D’après lui, sa stabilité professionnelle vient de ce que Balmain le laisse libre, donc heureux. « J’ai de la chance, car c’est devenu rare aujourd’hui. Les designers ont peur de prendre des risques. C’est dommage, car ce sont les risques qui font l’histoire de la mode. » Sa proposition stylistique maximaliste, pop, colorée, tranche avec le biotope où elle se déploie, le « bon goût parisien » qui préfère le conceptuel au baroque, la fausse désinvolture d’un cachemire grège à la préciosité d’une veste brodée à épaulettes. « Les gens disent parfois que ma mode est légère, mais moi, j’ai envie d’apporter de la joie. Je ne veux pas être le porte-parole du tourment. »

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