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« Rachida Dati saura manier à son profit le concept de “culture pour tous”, mais saura-t-elle en faire profiter le peuple ? »

Dès que le nom de Rachida Dati est sorti du chapeau, le 11 janvier, la galaxie créative a fait crépiter son téléphone en un réflexe pavlovien : « Tu l’as croisée dans ton théâtre, ton musée, ta salle de concert ? » Non. Et comme elle aurait pu être nommée ailleurs, que sa cible est Paris, qu’elle a Brigitte Macron et Nicolas Sarkozy en soutien, vous obtenez une franche hostilité de la maison culture.

Pourquoi plus hostile que pour d’autres avant elle, au profil aussi droitier ? Sans doute Rachida Dati n’est-elle pas familière des mécanismes de l’exception culturelle et des ressorts de ses tribus. Mais la plupart des vingt-sept ministres qui l’ont précédée, depuis 1959, non plus. On ne rappellera pas, par charité, le calvaire de certains.

Seuls André Malraux et Jack Lang ont réussi. Ils étaient bien préparés et ont duré dix ans, contre deux en moyenne. Ils étaient connus autant du public que du milieu culturel. Ce qui est atypique avec Dati, c’est le fossé profond entre les deux, même si l’on sous-estime ses réseaux dans l’art.

Non, si elle inquiète autant le monde culturel, c’est pour une autre raison : la plupart des ministres, surtout ceux qui ne sont pas du bâtiment mais pas seulement, avaient peur des artistes. Dati n’y connaît pas grand-chose, mais elle n’a pas peur. Elle n’aura pas peur du bizutage consistant à lui faire commenter le dernier livre qu’elle a lu ou la dernière pièce qu’elle a vue. Alors que Christine Albanel fut plombée dès sa nomination en 2007 pour avoir écorché le nom de l’artiste conceptuel Daniel Buren, Dati pourra citer une pochade de boulevard avec gourmandise.

Relancer les MJC

Personnage de roman, elle a déjà fait l’objet de quatre livres qui vantent son culot ou son cynisme, son courage ou son arrivisme. Depuis toujours, elle grandit en dénonçant le procès en illégitimité et le mépris de classe des élites. Appliquée à la culture, la posture peut faire des dégâts. Que dit-elle depuis huit jours ? « Vous ne me reconnaissez pas car je ne suis pas du sérail, pas des vôtres, pas de gauche ; mais je suis fille d’un maçon marocain et si vous me cherchez, vous me trouverez. »

Dans son livre d’entretien avec Claude Askolovitch, Je vous fais juges (Grasset, 2007), l’ancienne garde des sceaux s’identifie à la jeunesse des quartiers, qui n’a pas les codes, « pas la même culture », a l’impression que des pierres pleuvent sur elle comme dans le film Raining Stones (1993), de Ken Loach, un cinéaste social et enragé qu’elle admire.

Alors quand on lui ferme la porte, elle la force. A l’adolescence, elle écrit au chanteur Alain Souchon, avec qui elle entretient une correspondance de vingt ans, ou au chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus (Rachida Dati. Une ambition française, de Lionel Cottu, First, 2007).

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