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« Qui après nous vivrez », d’Hervé Le Corre : cette vieille envie d’écrire sur la fin du monde

« Le Survivant », de Boris Sagal, avec Charlton Heston
(1971).

« Qui après nous vivrez », d’Hervé Le Corre, Rivages, « Noir », 394 p., 21,90 €, numérique 16 €.

Certains y ont cru. Il y a bientôt quatre ans, une pandémie confinait la planète, et un « monde d’après » meilleur que le précédent semblait possible. Si le coronavirus n’a pas eu raison du capitalisme, il aura au moins permis de redynamiser le genre postapocalyptique, qui avait du mal à se renouveler. C’est à ce moment-là, au printemps 2020 exactement, qu’Hervé Le Corre, auteur reconnu de polars et de romans noirs, a décidé de se lancer dans l’écriture de Qui après nous vivrez. « Le confinement, les rues vides, les camions frigorifiques à New York pour conserver les corps, l’effroi des premières semaines m’ont causé un choc, se remémore le romancier de 68 ans, assis dans un café bordelais, un soir pluvieux de décembre, sirotant un jus de pomme. Je me demandais ce qui nous arrivait. »

Enfermé chez lui, l’ancien prof de lettres se met alors à noircir ses carnets. Il sent très vite qu’il va ­devoir innover, sortir de ses ­habitudes. Certes, le roman noir convient à l’éclairage du présent, et parfois de l’histoire : Le Corre le sait bien – nombre de ses romans se situent dans le passé : la Commune de Paris dans L’Homme aux lèvres de saphir et Dans l’ombre du brasier (Rivages, 2004 et 2019) ; la Libération et la guerre d’Algérie dans Après la guerre (Rivages, 2014). Mais, pour raconter le futur, Le Corre ressent la nécessité de se réinventer. « C’était un boulot fou, je sortais des sentiers que j’avais balisés jusqu’ici. J’y mettais aussi un certain nombre d’inquiétudes personnelles. Ma génération a cru pouvoir changer le monde, mais le monde a changé à l’inverse de ce que l’on pouvait espérer. » Il continue : « J’avais envie d’une projection vers l’avenir, d’une mise en perspective »

Chez Le Corre, ce fameux « monde d’après » n’a rien de reluisant : inégalités, violence, sauvagerie sont le quotidien des ­survivants. Au fil des pages, on devine les influences qui ont pu inspirer l’écrivain. On pense à Ravage, de René Barjavel (Denoël, 1943), Malevil, de Robert Merle (Gallimard, 1972), mais aussi aux plus récents Station Eleven, d’Emily St. John Mandel (Rivages, 2016) et L’Année du lion, de Deon Meyer (Seuil, 2017). Quand on lui suggère aussi La Route, de Cormac McCarthy (L’Olivier, 2008, prix Pulitzer de la fiction 2007), Le Corre, modeste, balaie la comparaison avec ce « chef-d’œuvre ».

Point de zombies ni de mutants

Le lecteur cinéphile pourrait également y déceler des traces de la série de films de George Miller, Mad Max. Une référence que l’auteur réfute pour une raison simple : il ne les a jamais vus. Pour expliquer sa vieille envie d’écrire sur la fin du monde, il évoque un film beaucoup moins connu : « Adolescent, j’ai vu Le Survivant, avec Charlton Heston [adaptation du roman Je suis une légende, de Richard Matheson (Denoël, 1955), réalisée par Boris Sagal en 1971, où l’on voit l’acteur sillonner les rues abandonnées de Los Angeles en décapotable pour tuer des mutants]. C’est un très mauvais film, mais cela m’a troublé, ces scènes dans une ville désertique », explique Hervé Le Corre.

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