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L’Equateur plongé dans un conflit sans précédent avec les gangs de narcotrafiquants, la France invite ses ressortissants à différer leurs voyages

Un check-point à Guayaquil, en Equateur, le 10 janvier 2024.

Tirs en direct sur un plateau de télévision, gardiens de prison ou policiers pris en otages, écoles et magasins fermés : l’Equateur est plongé, selon son président, dans un « conflit armé interne » avec les gangs de narcotrafiquants qui a déjà fait au moins dix morts.

Dans un décret publié mardi 9 janvier, au troisième jour de cette crise sécuritaire, le président équatorien, Daniel Noboa, a ordonné « la mobilisation et l’intervention des forces armées et de la police nationale » pour « garantir la souveraineté et l’intégrité nationale contre le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non étatiques ».

M. Noboa, 36 ans, plus jeune président de l’histoire du pays et élu en novembre sur la promesse de rétablir la sécurité, avait décrété lundi l’état d’urgence pour soixante jours dans tout le pays, au lendemain de l’évasion d’un chef de gang redouté. Il a fourni mardi une liste exhaustive des bandes criminelles dont il veut la « neutralisation », soulignant la nécessité pour les forces armées d’agir « dans le respect des droits de l’homme ».

L’Equateur, pays de 18 millions d’habitants naguère havre de paix, est ravagé par la violence après être devenu le principal point d’exportation de la cocaïne produite au Pérou et en Colombie. Les assassinats dans les rues ont augmenté de 800 % entre 2018 et 2023, passant de 6 à 46 pour 100 000 habitants. En 2023, 7 800 homicides ont été comptabilisés et 220 tonnes de drogues saisies.

Evasion de deux chefs de gang

Adolfo Macias, alias « Fito », 44 ans, chef des Choneros – un gang d’environ 8 000 hommes selon les experts – , s’est enfui dimanche de la prison de Guayaquil (Sud-Ouest). Mardi, Fabricio Colon Pico, un chef des Los Lobos, autre puissant gang, s’est aussi évadé. Le Pérou a annoncé le même jour avoir déclenché l’état d’urgence le long des plus de 1 400 kilomètres de sa frontière avec l’Equateur et renforcé sa surveillance.

« Président Daniel Noboa, vous avez notre soutien total et sans réserve. S’il vous plaît, ne cédez pas », a déclaré l’ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017), qui réside en Belgique et avait soutenu à la présidentielle l’adversaire de M. Noboa, Luisa Gonzalez. « L’heure est aujourd’hui à l’unité nationale. Le crime organisé a déclaré la guerre à l’Etat, et l’Etat doit l’emporter », a-t-il ajouté dans une vidéo diffusée dans la nuit de mardi à mercredi.

« Différer les projets » de voyage en Equateur

La crise entraîne des réactions internationales. Mercredi, l’Espagne a dit suivre avec « inquiétude » la situation et assuré soutenir « les institutions démocratiques », par la voix de son premier ministre, Pedro Sanchez qui a affiché sa « confiance » en un « retour prochain à la normalité ».

La France a demandé à ses ressortissants qui envisageraient de se rendre en Equateur, connu pour ses îles Galapagos, de « différer leurs projets », selon un communiqué publié sur le site du ministère des affaires étrangères : « Nous invitons les ressortissants français résidant en Equateur à adopter la plus grande prudence et à suivre avec attention l’évolution de la situation, en se référant aux consignes de l’ambassade de France à Quito. »

La Chine, qui a suspendu l’accueil du public dans son ambassade et son consulat sur place, « évalue la situation sécuritaire » et « soutient » l’action des autorités pour rétablir l’ordre, a déclaré une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning. La Russie a demandé à ses ressortissants de « tenir compte de l’instabilité de la situation en envisageant des voyages en Equateur » et « d’éviter de se rendre dans des lieux publics ». Moscou a confiance dans les autorités équatoriennes pour restaurer la loi et l’ordre « par leurs propres moyens, sans interférence extérieure », a ajouté la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe, Maria Zakharova.

Les Etats-Unis sont « extrêmement préoccupés par la violence » et « prêts à fournir de l’assistance », avait déclaré mardi le chef de la diplomatie américaine pour l’Amérique latine, Brian Nichols. Le Brésil, le Chili, la Colombie et le Pérou ont exprimé leur soutien à l’Equateur.

Plateau de télévision envahi, gardiens de prison exécutés

Mardi, des hommes armés ont fait irruption sur le plateau d’une télévision publique à Guayaquil, prenant brièvement en otages des journalistes et employés de la chaîne. Au milieu des tirs, la diffusion de ces images surréalistes s’est poursuivie en direct pendant de longues minutes. Jusqu’à, apparemment, l’intervention des forces de l’ordre aux cris de « Police ! Police ! ». Personne n’a semble-t-il été tué ou blessé dans le raid et treize assaillants ont été interpellés, selon la police.

Des policiers équatoriens et des suspects arrêtés après l’assaut dans les studios de la chaîne équatorienne TC Television, à Guayaquil, le 9 janvier 2024, alors que le président a déclaré l’état d’urgence.

Après l’évasion de « Fito », plusieurs mutineries et prises d’otage de gardiens ont touché diverses prisons, relayées par d’effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par les couteaux de détenus masqués. Mardi, de nouvelles vidéos ont montré l’exécution d’au moins deux gardiens, par arme à feu et pendaison.

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L’administration pénitentiaire a fait état de 139 membres de son personnel retenus en otages dans cinq prisons du pays, sans commenter les vidéos. Les forces de sécurité ont diffusé des images marquantes de leurs interventions depuis dimanche dans divers pénitenciers, montrant des centaines de détenus en sous-vêtements, mains sur la tête et allongés au sol.

Avec l’état d’urgence, l’armée est autorisée à assurer le maintien de l’ordre dans les rues (avec un couvre-feu nocturne) et les prisons. Mais de très nombreux incidents ont été signalés dont l’enlèvement de sept policiers. Dans la ville portuaire de Guayaquil, où les groupes criminels sont tout-puissants, les violences ont fait huit morts et trois blessés, selon le chef de la police. Deux policiers ont également été « vicieusement assassinés par des criminels armés » à Nobol, près de Guayaquil.

Des soldats de l’armée équatorienne près du palais présidentiel durant l’état d’urgence, à Quito, le 9 janvier 2024.

Les images diffusées sur les réseaux sociaux, difficiles à vérifier, alimentent l’impression d’un chaos gagnant certaines localités : attaques au cocktail Molotov, voitures incendiées, tirs au hasard sur des policiers, scènes de panique… A Guayaquil, nombre d’hôtels et de restaurants ont fermé et l’armée patrouille, a-t-on constaté. Dans la capitale Quito, magasins et centres commerciaux fermaient également prématurément.

Le ministère de l’éducation a ordonné mardi soir la fermeture jusqu’à vendredi de toutes les écoles du pays. Les délinquants « ont commis des actes sanglants et sans précédent dans l’histoire du pays (…), mais cette tentative échouera », a déclaré l’amiral Jaime Vela, chef du commandement conjoint des forces armées.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés L’Equateur submergé par la violence du narcotrafic

Le Monde avec AFP


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