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Europe spatiale : « Une copie bâclée de ce que les Américains ont fait il y a vingt ans ne peut pas tenir lieu de politique spatiale européenne »

Désespérément complexée par son retard vis-à-vis des Etats-Unis, l’Europe spatiale semble céder à une doxa : celle d’une prétendue économie orbitale à laquelle il faudrait participer coûte que coûte, au risque de sombrer. Le Space Summit 2023, qui s’est tenu à Séville, l’illustre : le Vieux Continent souhaite se doter d’un cargo spatial « privé » [pouvant apporter du fret à la Station spatiale internationale et revenir sur Terre] et confier son avenir à une myriade de start-up. Ce bouleversement en cours, calqué sur la politique spatiale américaine, ne fait pourtant pas une stratégie industrielle et risque de bénéficier avant tout à des acteurs opportunistes.

Il y a presque vingt ans, prenant acte du désastre auquel avait mené le choix dit « du tout-navette [spatiale] », l’administration américaine sommait la NASA de se réinventer. L’agence lançait alors le programme Commercial Orbital Transportation Services (COTS), par lequel elle se faisait acheteuse de services de transport spatial et non plus de fusées ou de vaisseaux spatiaux.

Cette « révolution » intervenait sur un champ entièrement sous la responsabilité de la NASA : le transport de fret et d’équipages vers et depuis la Station spatiale internationale. Ce changement de paradigme a eu de multiples effets, notamment de faire émerger SpaceX, portée à bout de bras par la NASA.

L’Europe s’est donné pour ambition de transposer, vingt ans après, à une situation fondamentalement différente, le vieux programme COTS. Or la NASA est une agence fédérale dans un Etat fédéral. L’Agence spatiale européenne (ESA) est une organisation internationale qui n’est rattachée à aucune entité étatique. La NASA intervenait sur un marché dont elle était la seule cliente. L’ESA se propose d’intervenir sur deux marchés sur lesquels elle n’a ni prise ni mandat : les petits lanceurs et les vaisseaux.

Un marché fictionnel

Pour copier la NASA, il fallait des marchés… ou des récits en tenant lieu. En 2022, 350 petits satellites ont été lancés dans le monde. Ils l’ont presque tous été comme passagers sur des lanceurs classiques. Aux Etats-Unis, après vingt ans d’efforts, l’offre de petits lanceurs se résume à un seul engin opérationnel qui a pris, en 2023, 100 % d’un marché de sept missions. En Europe, plus de dix projets sont encouragés par des dispositifs d’aides régionales ou nationales.

Le marché des cargos spatiaux, quant à lui, n’a d’autre réalité que fictionnelle. Il repose sur la promesse de fabriquer en orbite toutes sortes de choses. Ce qui n’est jamais apparu en un demi-siècle surgirait aujourd’hui du seul effet que ces futures stations seraient opérées par le secteur privé.

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