Close

Au Sénégal, l’enjeu de l’emploi local face aux multinationales pétrolières

Nous voilà sous un hangar bordé d’une terre sableuse et de broussailles écrasées par le soleil, à environ 50 kilomètres de Dakar : a priori, pas grand-chose à voir avec le gaz et le pétrole que le Sénégal ira bientôt puiser sous les eaux profondes de l’océan Atlantique. Dans le fracas et l’odeur du métal chauffé, des dizaines d’ouvriers manipulent de grands pans de tôle, sciés puis modelés selon la commande, tandis que d’autres, équipés de lourdes visières, soudent ces énormes pièces de métal, leur chalumeau projetant des geysers de paillettes rouges devant eux.

Thiaroye Travaux Industries (TTI) est une PME sénégalaise de chaudronnerie, qui fabrique et assemble des conduits et autres objets métalliques, le plus souvent pour des cimenteries ou des centrales électriques. Mais entre 2020 et 2022, elle a exécuté un important contrat pour la Société africaine de raffinage, la raffinerie nationale, qui bénéficiait d’une rénovation et d’une extension en prévision du boom pétrolier dans lequel se projette le Sénégal. Après des retards, ce pays d’Afrique de l’Ouest prévoit de lancer en juin la production du champ offshore de Sangomar (pétrole et gaz, piloté par l’australien Woodside), puis en août celle de celui de Grand Tortue Ahmeyim, dit « GTA » (gaz, opéré par le britannique BP), qu’il partage avec la Mauritanie. Les deux projets totalisent environ 230 millions de barils et 15 milliards de pieds cubes, soit plus de 4,2 milliards de mètres cubes.

Dans l’entreprise de fabrication et de montage industriel de pièces métalliques, Thiaroye Travaux Industries, à Diass, au Sénégal, le 12 novembre 2023.

Chez TTI, le chantier a fait monter le nombre d’employés à 300, contre 150 à 200 en temps normal, et totalisé 75 % du chiffre d’affaires sur sa période d’exécution (certes en pleine pandémie de Covid-19). « Nous avons pratiquement été les premiers à bénéficier des effets du pétrole/gaz au Sénégal, raconte Thierno Sène, qui a fondé l’entreprise il y a vingt-trois ans. Ça nous a permis de mettre un pied dedans, de nous familiariser avec la façon de travailler, les exigences plus élevées. » TTI, qui, sur sa lancée, a postulé à d’autres appels d’offres, croit « forcément » à l’impact sur le long terme pour les PME locales.

Gaz et pétrole s’affichent comme la promesse d’un bond en avant pour le Sénégal, un pays sahélien réputé stable et en croissance mais peu industrialisé, vulnérable aux chocs climatiques et de plus en plus endetté. Sa croissance atteindra 8,3 % en 2024, selon le Fonds monétaire international, soit plus de deux fois plus que la moyenne subsaharienne. En cette année de démarrage, l’Etat compte sur 51 milliards de francs CFA (environ 77 millions d’euros) de revenus liés aux hydrocarbures. Des recettes alléchantes, et promptes à mettre en sourdine, pour les dirigeants sénégalais, les appels des scientifiques à stopper les nouveaux projets pétroliers face à l’urgence climatique.

Il vous reste 75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top