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Inondations dans le Pas-de-Calais : un cas d’école

Où sont-ils ? Que font-ils ? Le désarroi dans lequel se trouvent plongés les habitants du Pas-de-Calais, victimes de deux crues décennales en deux mois, alors que l’hiver ne fait que commencer, se retourne contre les élus, accusés d’être inexistants ou impuissants. Ni la présence, le 3 janvier, du président du conseil régional des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui se veut le porte-parole des sinistrés, ni la visite, le lendemain, du ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, qui a promis « des réponses exceptionnelles », ne sont venues à bout de l’exaspération des habitants. Livrés à eux-mêmes dans un décor apocalyptique fait de maisons inondées, d’arbres arrachés et de voitures flottant entre deux eaux, les sinistrés vouent aux gémonies ceux qui sont censés les protéger.

La crise illustre jusqu’à la caricature l’enchevêtrement des compétences qui fait l’ordinaire de la vie locale et devient problématique en cas d’épisode extrême, parce qu’il est alors impossible d’identifier avec précision un responsable auprès de qui trouver une réponse pertinente. Particulièrement complexe dans cette région de polders, l’entretien du système d’évacuation des eaux relève à la fois d’associations de propriétaires privés, d’un établissement public, les Voies navigables de France, et de l’Institution intercommunale des wateringues (IIW). L’Etat y a également sa part, puisqu’il peut cofinancer les travaux s’il les a validés.

Comme à chaque fois, les rivalités entre l’échelon national et régional percent sur fond de différend stratégique. Pour maintenir les habitants sur place, Xavier Bertrand s’est dit prêt à prendre en main les travaux sur lesquels la région n’a pas de compétence en mettant en cause la lenteur des procédures et en accusant l’Etat d’avoir abandonné ses concitoyens. Le ministre de la transition écologique a, quant à lui, estimé que « toutes les questions doivent être posées », alors que certains résidents cherchent à quitter les zones inondables, moyennant indemnisation.

Un minimum d’unité nationale

Ces dissensions stériles ne sont pas de bon augure pour l’avenir. Car ce genre de situation risque de se répéter. Certes, les inondations ne sont pas une conséquence directe du réchauffement climatique, mais le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévient que les précipitations seront plus intenses sur le nord de l’Europe dans les décennies à venir. Crues, sécheresses, canicules… Les climatologues alertent sur la litanie d’événements extrêmes dont la « fréquence » et l’« intensité » augmenteront tout au long du XXIe siècle.

Ce travail scientifique oblige les politiques. Alors que Christophe Béchu a eu le courage de dire que la France devrait s’adapter à un possible réchauffement de + 4 °C, les élus doivent se hisser au niveau de ce moment. Pour rassurer les Français, ils doivent leur monter qu’ils sont capables d’anticiper les adaptations et d’assumer un clair partage des responsabilités entre le local et le national.

Qui aura l’autorité suffisante pour organiser des déplacements de population et redonner de l’espace à la nature ? A qui incombera la tâche de financer la construction de nouvelles infrastructures, comme des digues le long de certaines côtes ?

La transparence exigée à juste titre par les électeurs requiert un minimum d’unité nationale, une expression passée de mode et pourtant seule voie envisageable pour affronter le défi climatique. Si Paris et les régions continuent de s’opposer devant des Français désemparés, si les querelles politiciennes envahissent les débats, les populistes n’auront plus qu’à surfer sur la vague des ressentiments.

Le Monde

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