Close

« Les responsables du Rassemblement national ont retenu la leçon de Dominique Venner »

Un portrait de Dominique Venner brandi au cours d’une marche marquant les trois ans de sa mort, à l’appel de l’organisation néofasciste italienne CasaPound, à Rome, le 21 mai 2016.

« L’Assiégé. Dans la tête de Dominique Venner, le gourou caché de l’extrême droite », de Renaud Dély, JC Lattès, 246 p., 20,90 €, numérique 15 € (en librairie le 10 janvier).

Le 21 mai 2013, Dominique Venner, l’un des intellectuels les plus influents de l’extrême droite française, se suicidait au pied de l’autel de Notre-Dame de Paris « afin de réveiller les consciences assoupies » face au « crime visant au remplacement de nos populations [européennes] » par une ­immigration dont il dénonçait le « grouillement hostile » depuis les années 1960. Sur Twitter, Marine Le Pen écrivait : « Tout notre respect à Dominique Venner dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple de France. » Editorialiste politique à Franceinfo, coanimateur de l’émission « 28 minutes » sur Arte, Renaud Dély consacre, sous le titre L’Assiégé, une enquête fouillée, rigoureusement documentée, à cette figure à la fois discrète et centrale, que le Rassemblement national, malgré sa stratégie de « dédiabolisation », n’a jamais reniée.

Comment avez-vous été amené à enquêter sur ­Dominique Venner ?

Quand je couvrais le Front ­national pour Libération, dans les années 1990, je savais que c’était une référence idéologique importante à l’extrême droite, même s’il restait en deuxième ­ligne. On trouvait toujours ses œuvres complètes dans les rassemblements organisés par le FN ou d’autres groupes de la mouvance, et je constatais qu’il faisait l’objet d’une vénération. Mais c’est son suicide, et le sens qu’il revêt au moment où Marine Le Pen est si proche du pouvoir, qui m’a décidé à me lancer dans cette enquête.

Car ce geste cristallise toute la vision du monde du personnage, son obsession pour le « grand remplacement », un fantasme qu’il a agité bien avant que Renaud Camus ne popularise l’expression – il faut se souvenir que le concept a été forgé au début des années 1950 par un militant raciste et antisémite, ancien de la division SS Charlemagne, René Binet [1913-1957]. Venner a lu Binet, et il était persuadé que l’Occident et la « race blanche » étaient assiégés, d’où mon titre. C’est d’abord cette terreur qui motive son geste, cette vision d’un Occident submergé et qui s’effondre. Il avait 78 ans, mais il était en bonne santé. Ce n’est pas un ­suicide lié à une quelconque déchéance physique. C’est un geste entièrement politique, un acte symbolique d’appel à la révolte de la « race blanche ».

Pourquoi a-t-il choisi Notre-Dame pour l’accomplir ?

Ce choix a surpris un certain nombre de gens, qui le savaient foncièrement antichrétien. En réalité, Notre-Dame ne lui importait que dans la mesure où elle aurait été construite à l’emplacement d’un temple gallo-romain. Il était, avec son ami Alain de Benoist, un des représentants du courant dit « païen » de l’extrême droite, opposé au courant catholique traditionaliste. Il consi­dérait le christianisme comme une religion de faibles qui, en défendant le pardon, l’accueil, a amorcé la décadence de l’Occident. Il a inscrit sa mort dans une célébration de cet idéal antique mythifié, où Sparte jouait un rôle central, comme symbole d’un culte de l’honneur et de la guerre. Mais Sparte a fini par être vaincue par Athènes. La pensée de la décadence absolue s’identifie toujours au camp des vaincus. C’est un défaitisme radical.

Il vous reste 70% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

source

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 Comments
scroll to top