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« Assassin’s Creed » : l’ismaélisme, ce fascinant courant ésotérique de l’islam qui a inspiré le jeu vidéo

Syedna Mufaddal Saifuddi, chef de la communauté Dawoodi Bohra (une dénomination religieuse au sein de la branche ismaélienne de l’islam chiite), dirige une cérémonie à Koweït City, le 24 septembre 2022.

Le dernier opus de la célèbre série de jeux vidéo produite par Ubisoft, Assassin’s Creed Mirage, est présenté comme un « retour aux sources » de la saga. Fini, donc, les pérégrinations en Grèce antique ou dans l’Angleterre médiévale : comme pour le premier épisode, l’histoire se déroule au Levant, durant les premiers siècles de l’islam. Le joueur y incarne le membre d’une mystérieuse secte, les « Assassins », parfois appelés aussi « ceux que l’on ne voit pas », en raison de leurs remarquables capacités de dissimulation et d’infiltration.

Si ce scénario et ses personnages sont fictifs, ils s’inspirent d’un courant ésotérique de l’islam bien réel : l’ismaélisme qui, malgré le rôle prépondérant qu’il a pu jouer dans l’histoire du Moyen-Orient, a toujours été la source d’une multitude de légendes et de fantasmes. Voici cinq clés pour mieux le comprendre.

Comment est né l’ismaélisme ?

L’ismaélisme est un courant issu de l’islam chiite. Pour rappel, selon les chiites, le pouvoir temporel et spirituel doit revenir aux imams, les « guides », désignés parmi les descendants de Fatima, fille du prophète Mahomet, et d’Ali, son gendre. Les ismaéliens, pour leur part, se sont distingués des autres courants chiites autour de l’an 765.

A cette époque, à Médine, le sixième imam et descendant d’Ali, Ja’far al-Sâdiq, désigne son fils Ismaïl comme successeur. Problème : Ismaïl disparaît avant la mort de son père. « Il avait en outre une très mauvaise réputation. On l’accusait de s’adonner à la boisson et d’avoir de mauvaises mœurs, ou au contraire de fréquenter des extrémistes. Toujours est-il que son père a fini par désigner un autre successeur », raconte l’islamologue et philosophe Daniel De Smet, auteur des Fatimides. De l’ésotérisme en islam (Cerf, 2022).

Or ce revirement pose un problème théologique de taille : un imam n’est-il pas censé être infaillible et anticiper tous les évènements ? Peut-il changer d’avis ? Les ismaéliens sont les descendants de musulmans qui ont, à l’époque, continué à voir dans Ismaïl l’imam légitime, et après lui son fils, Muhammad ibn Ismail. Selon eux, Ja’far al-Sâdiq a fait semblant de désigner un second et faux successeur pour protéger sa lignée des sunnites.

Pour les ismaéliens, la quête spirituelle, guidée par les enseignements et la dévotion envers leur imam, est bien plus importante que les prescriptions juridiques de l’islam, y compris les cinq piliers. Beaucoup de sunnites y voyaient une relativisation de la loi islamique, obligeant ainsi les ismaéliens à adopter une attitude d’extrême discrétion afin de ne pas être persécutés. Attitude fondatrice qu’ils conserveront tout au long de leur histoire : les ismaéliens sont considérés comme les inventeurs de la célèbre taqiya, l’art de la dissimulation et du double jeu, concept aujourd’hui utilisé pour certaines activités islamistes.

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