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Face à l’alcoolisme, des groupes de parole pour aider l’entourage : « C’est insupportable de voir son enfant boire sous ses yeux, se détruire »

Ce lundi de décembre, une vingtaine de personnes − ce jour, uniquement des femmes − sont assises en cercle dans une salle louée dans une église du 17e arrondissement de Paris. Elles sont mères, conjointes, filles de personnes ayant un trouble lié à l’alcool, et se retrouvent chaque semaine pour cette réunion de l’association Al-Anon, qui dure environ deux heures.

Ces groupes sont nés aux Etats-Unis en 1951, à l’initiative des épouses des fondateurs des Alcooliques anonymes (AA). L’association Al-Anon, créée en France en 1962, compte à ce jour 135 groupes dans l’Hexagone. Un seul but : aider les familles de malades alcooliques. Des groupes existent aussi pour les adolescents, Alateen. Une campagne, appelée « Une bouteille à la mer », vient de débuter pour faire connaître ces groupes de parole, car « les dégâts collatéraux de l’alcool sur l’entourage des malades alcooliques sont rarement abordés ».

« Nous croyons que l’alcoolisme est un mal familial − une personne alcoolique fait souffrir en moyenne cinq personnes de son entourage − et que le changement d’attitude des aidants peut contribuer au rétablissement », c’est ainsi que démarre la réunion, ouverte cette semaine par Jeanne (les prénoms ont été modifiés). L’anonymat est la règle. Lors d’un premier tour de table, l’appréhension des fêtes de fin d’année, où les occasions de boire seront nombreuses, revient souvent. Le thème de ce lundi, « Un jour à la fois », est l’un des outils Al-Anon. Cette méthode en douze étapes s’appuie sur celle des AA, sorte de guide vers le rétablissement.

Rappelons que l’alcool, responsable directement ou indirectement de plus de 200 maladies, tue environ 41 000 personnes chaque année en France. C’est le premier facteur de risque de mortalité prématurée et d’incapacité chez les 15-49 ans.

Epouse d’un mari alcoolique devenu abstinent il y a déjà longtemps, Sandra, qui fait partie du groupe depuis une vingtaine d’années, décrit son état de sidération face au « tsunami » qu’ont provoqué la maladie psychique de son fils et sa consommation d’alcool de plus en plus importante. Toutes les femmes de ce groupe sont arrivées « désespérées », l’une disant « ne plus savoir à qui s’adresser », une autre « pensant que [sa] vie était terminée », une troisième parlant d’« un brouillard monstre, un trou noir ».

Se dégager de la culpabilité

Ainsi de Lucie, dans le groupe depuis juin 2020 : « J’étais à bout de forces, en mode survie. Le problème d’alcool de mon fils était mon obsession. » Son fils, qui souffrait de phobie scolaire, a vu dans l’alcool une solution à ses troubles anxieux, c’est devenu pour lui une béquille à partir de 16 ans. « Il s’est mis en danger à plusieurs reprises, avec des accès de violence, de nombreuses hospitalisations. C’est insupportable de voir son enfant boire sous ses yeux, se détruire », raconte-t-elle. « En arrivant dans le groupe, j’ai eu pour la première fois une lueur d’espoir, du réconfort, car je pouvais m’exprimer avec des gens qui connaissaient ce problème, et on vit des trucs tellement extrêmes… » Elle a aussi pu se dégager de la culpabilité d’être une mauvaise mère, se dire qu’elle n’allait pas bien et essayer de changer les choses. « Je n’ai trouvé nulle part ailleurs ce soutien, ni du côté des psychiatres, ni des médecins. J’essaie de vivre au mieux et d’être un soutien, par ricochet. »

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