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En Israël, la Cour suprême rejette une disposition majeure de la très contestée réforme de la justice portée par Benyamin Nétanyahou

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, lors d’une réunion de son cabinet, le 24 décembre 2023.

Les quinze juges de la Cour suprême israélienne ont rejeté, lundi 1er janvier, un volet-clé de la réforme judiciaire controversée de Benyamin Nétanyahou. Le projet du premier ministre divise profondément la société israélienne depuis le début de l’année 2023. De nombreuses manifestations ont eu lieu pour le contester.

Dans une décision rendue lundi, le tribunal a voté de justesse, à la majorité de huit voix contre sept, en faveur de l’annulation d’une première clause du projet de réforme, qui a été adoptée par le Parlement à la fin de juillet 2023. Cette mesure visait à empêcher les juges de la Cour suprême d’annuler les décisions du gouvernement au motif qu’elles sont « déraisonnables », ce qu’elle a fait à plusieurs reprises jusqu’ici.

Le ministre de la justice, Yariv Levin, a accusé la Cour de « s’arroger tous les pouvoirs », après cette décision. « Dans les faits, les juges [de la Cour suprême] prennent entre leurs mains, avec cette décision, tous les pouvoirs qui, dans un régime démocratique, sont répartis de manière équilibrée entre les trois pouvoirs », exécutif, législatif et judiciaire, a écrit le ministre sur Telegram. Il a aussi critiqué la publication de cet arrêt « en pleine guerre [dans la bande de Gaza], ce qui va à l’encontre de l’unité nécessaire en ces jours pour le succès de nos combattants sur le front ».

Le Likoud, parti de M. Nétanyahou a, lui, fustigé le calendrier de cette décision, affirmant qu’il était « regrettable que la Cour suprême ait décidé de publier son verdict au cœur d’un débat social en Israël pendant que les soldats de droite et de gauche se battent et risquent leurs vies dans la campagne ». « La décision de la Cour est contraire à la volonté du peuple d’unité, surtout en période de guerre », a ajouté le parti.

L’opposition salue la décision

Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, premier ministre pendant six mois en 2022, a pour sa part salué la décision, jugeant que la Cour avait « fidèlement rempli son rôle en protégeant les citoyens d’Israël ». Cette décision « met fin à une année difficile de conflits qui nous ont déchirés de l’intérieur et ont conduit à la pire catastrophe de notre histoire », a déclaré sur X M. Lapid, se référant à l’attaque du Hamas. La décision « doit être respectée », a réagi sur X Benny Gantz, membre du cabinet de guerre et ancien rival de Benyamin Nétanyahou, appelant à l’unité « pour gagner la guerre, ensemble ».

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Le Mouvement pour la probité du pouvoir, qui avait déposé le recours contre cette clause, a salué une décision « historique », affirmant dans un communiqué : « Le gouvernement et les ministres qui ont voulu se passer du pouvoir judiciaire ont appris qu’il y a des juges à Jérusalem et une démocratie avec une séparation des pouvoirs. » L’association d’anciens militaires Ahim Laneshek (Frères d’armes) a apporté son soutien sur X à « l’indépendance de la Cour suprême », tout en appelant à éviter « toute manifestation de haine et de division ».

Mouvement de contestation

Depuis son annonce début janvier 2023, le projet gouvernemental a donné lieu à l’un des plus importants mouvements de contestation qu’ait connu Israël depuis sa création, en 1948. Selon le gouvernement, la réforme visait entre autres à rééquilibrer les pouvoirs, en diminuant les prérogatives de la Cour suprême au profit du Parlement.

Les opposants à la réforme craignent de leur côté que les changements proposés, en faisant sauter des garde-fous à l’action du pouvoir législatif et exécutif, ne fassent basculer la démocratie israélienne vers un système illibéral. Ils accusent M. Nétanyahou, en procès pour plusieurs affaires de corruption et de conflit d’intérêts, de réaliser cette réforme pour se dépêtrer de ses ennuis judiciaires. Le premier ministre n’a pas encore réagi à la décision.

Israël n’a pas de Constitution ni l’équivalent d’une chambre haute du Parlement, et la doctrine sur le « caractère raisonnable » a précisément été utilisée pour permettre aux juges de déterminer si un gouvernement outrepasse ses prérogatives. La Cour suprême a par ailleurs décidé qu’elle avait l’autorité d’invalider une Loi fondamentale « dans les cas rares et exceptionnels dans lesquels le Parlement outrepasse son autorité ». Les Lois fondamentales font office de Constitution en Israël.

Le Monde


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